Les récits de Gadlon et Dahud

Au temps du bon Roi Gradlon, vers le 6ème siècle, Is est la capitale de la Cornouaille. La ville est protégée de la mer par une digue et le roi garde toujours sur lui la clef d’or qui ouvre les écluses.
Sa fille, la belle Dahut, qui mène une vie de débauche, rencontre diable, sous la forme d’un séduisant jeune homme. Il lui demande, comme preuve d’amour, d’ouvrir la porte aux flots. Dahut dérobe la clef des écluses pendant le sommeil du roi bientôt la mer se rue dans la ville.
Gadlon fuit à cheval, sa fille en croupe. Mais les vagues les poursuivent et vont Ies engloutir.

A ce moment, la voix céleste lui ordonne de jeter à I’eau le démon qu’il porte derrière lui. Le roi obéit, le coeur saignant, et la mer se retire aussitôt.
Mais Is est détruite.

Les mémoires de Gradlon

Au V­ siècle de notre ère, à l’âge des grands troubles venus d’Orient, vivait Gradlon Meur, Roi de Cornouailles. Il avait mené campagne jusqu’aux confins des terres de Scandinavie et tiré grand respect de ses exploits.
« De retour à Kemper, je sombrais dans l’indolence, pleurant Malgven, la reine du Nord qui m’avait donné ma fille Dahud avant de mourir. Dahud ou Alc’huez ou Ahes était à l’image de sa mère, belle et altière ; elle forçait le respect tout en inspirant l’amour. Elle vénérait les anciens dieux et se procurait auprès des druides soutien et enseignement.
Un jour que nous chassions dans les bois au pied du Ménéhom, nous rencontrâmes Corentin, l’ermite. Corentin prêchait un nouveau Dieu. Ce Dieu venait du midi, mais sa parole était portée par les Bretons de la grande Ile. Il avait réputation de Sainteté, il était modeste de biens, mais riche de sagesse.
J’aimais beaucoup cet homme, et me convertis à sa foi, le christianisme. Je lui promis d’élever sur mes terres de Cornouaille de nombreux lieux de culte, dont une abbaye à Landévénec tout en son honneur. Mais surtout d’ériger en Is, ma nouvelle capitale, une église de pierre.
Is était la ville de Dahud. Seule face à l’infini, ma fille ne pouvait vivre sans contempler le ressac. Son cœur s’emplissait de joie lorsque le vent soulevait ses longs cheveux défaits et que son visage se perlait des larmes d’embruns.
Is était un défi à l’océan. Recueillie entre des
bras de rochers, protégée par des remblais, les grandes marées d’équinoxe la menacerait de noyade. Elle était comme un bijou, belle dans les moindres détails. La résidence royale longue et ostentatoire, trônait au centre, accompagnée de la maison occupée par ma suite. Non loin se bâtissait la demeure du Christ. Les habitations se répartissaient dans ce nid de rochers, rivalisant d’élégance et de richesses.
Désormais Corentin était auprès de moi à la cour. Nourri de ses paroles, je menais à ses côtés l’évangélisation des Ossismes, mon peuple.
Nous promettions grands malheurs à ceux qui restaient attachés aux anciennes traditions. Pourtant nombreuses étaient les offrandes à Lugs et aux Korrigans.
Dahud refusait la nouvelle foi, elle ralliait les insoumis et les entraînait dans sa ronde de plaisir. Elle ne pliait pas, était libre et désirable.
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Un jour que le vent soufflait si fort, devant la foule assemblée, Corentin exhorta ma fille de modifier sa conduite, sinon, Dieu recouvrirait la ville d’un linceul d’eau, et seules les âmes bénies n’iraient pas bruler en enfer. Dieu avait déjà puni, disait-il, les peuples de la Bible pour des conduites semblables, il agirait de même pour le peuple d’Armorique.
On murmurait que l’obstination du saint homme cachait un amour inavouable.
Mes sujets eurent de grandes frayeurs, car les flots conquéraient chaque jour de nouveaux territoires, et nombre de côtiers avaient vu leur maison assaillie par la mer.
Lorsque l’évènement se produisit, la lune était comme un bouclier saxon, large et brune, tellement proche.
Le vent soufflait de l’occident en rafales si fortes qu’il décoiffait le chaume des toits. Nul ne pouvait se tenir à l’extérieur sans choir et être projeté contre un mur.
Je tenais conseil, les sages étaient assemblés autour de moi, Corentin veillait inquiet. Dahud, prévenue par les Druides, courait m’avertir de l’imminence du drame, mais avant qu’elle n’eût pu franchir les portes de la grande salle, une vague gigantesque prenait l’assaut la ville.
La brutalité du cataclysme fut telle, que la plupart des habitants périrent en cet instant.
Je réagis prestement, enfourchais mon cheval et extirpais Dahud, blessée, des restes de la maison de la Suite Royale.
Nous fuyions sur la grève talonnés par la marée. « Abandonne la pécheresse! Abandonne la!! », hurla Corentin, depuis le rivage.
Alors que mon cheval, d’un bond prodigieux gagnait le sommet du rocher, l’ermite d’un coup de crosse désarçonna Dahud qui s’abima dans la mer.
Bien du temps a passé depuis le drame d’Is.
Peu ont survécu et peu savent témoigner de la beauté de la cité. Moi-même, je n’ai plus guère de souvenirs.
Corentin est mort depuis longtemps, et il me semble que je prendrais bientôt la route du Tir-Na-Nog.
Un druide m’a dit un jour, que Dahud est maintenant sirène.
Je suis très vieux, brisé, et je ne sais plus si je dois continuer à vénérer ce Dieu qui m’a pris ma ville, ma fille ».
Landévénec, a.g. 505

 

Les mémoires de Dahud

 

Les origines de la cité.

Mon père a quitté Kemper pour renforcer son royaume qui s’effiloche comme une vieille toile.

Son idée est de réunir sous un même vocable, tous les petits villages côtiers semés autour de la Baie de Douarnenez, puis de leur donner un centre militaire et spirituel important.

Et de m’en faire cadeau…

Nous venons de traverser des âges de tranquillité, mais de l’orient menacent les feux de la guerre.

La fondation de la cité

Les bâtisseurs de cités ont choisi pour le centre, un îlot de rochers.

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Très exposé aux intempéries, il offre néanmoins un refuge idéal en cas de conflits.

Il est sur la mer comme un berceau fragile, que Malgven veillerait.

Les druides refusent de consulter les augures pour savoir si notre choix est bon. Les Chrétiens se répandent en continuelles prières pour implorer la protection de leur Dieu.

Le rocher s’étire sur une centaine de mètres, avec un étranglement à mi parcours. Nous avons ainsi un obstacle naturel au sein même de notre défense.

Graslon désire que sa cité, probablement sa future capitale, soit aussi belle que les villes romaines.

Le peuple suit avec enthousiasme et voit une promesse de puissance.

Les premières maisons sont celtes, de lourdes pierres forment leur soubassement, et un épais toit de chaume vient les couvrir.

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Comme le veut la tradition, les demeures se placent sur le pourtour de l’enceinte, qui se résume pour l’instant à des pieux figés.

Graslon désire que sa cité ait un cardo et un decumanus. Sinon, elle ne sera jamais belle, dit-il.
Chacun se réserve un espace important pour réaliser un peu de culture et d’élevage. Mais la petite surface du rocher, et la pauvreté de son sol, rendent ces opérations vaines.

La tempête.

La cité prend rapidement forme. Des Bretons ont tenté de construire leurs maisons rondes, mais Graslon s’y est opposé.

Graslon désire que sa cité conserve une bonne homogénéité du bâti. Les Bretons se sont pliés.

Aux premières marées d’équinoxe, la ville a été envahie par les eaux.

La mer par un détour malicieux, contourne les rochers, et vient courir dans nos rues.

Nous mettons vivement en chantier une digue pour nous garantir de la prochaine marée, et devons élaborer un ensemble de portes gigantesques pour laisser pénétrer les navires marchands.

L’ouvrage n’est pas vraiment fiable. Sa rapidité d’exécution, justifiée par la fréquence des tempêtes ne m’inspire guère confiance.
Graslon désire que sa cité possède un temple chrétien en son centre.

L’église

L’influence de Gwénolé, ce maudit, est grandissante. Il m’humilie en public. Je crèverai les yeux de ce fanatique.

Mais le peuple suit Gwénolé, et moi je n’ai plus guère de fidèles.

Chacun construit sa maison sans vraiment suivre les axes tracés par Graslon.

Gwénolé me surveille, m’accuse de péché, parce que j’aime la vie. Sa laideur l’en empêche, lui.

Graslon désire une villae de type romain, c’est ridicule.

Graslon persiste et les premières fondations du palais romain de Graslon sont creusées. Non loin, les premières voûtes du temple de Gwénolé marquent le paysage.

Les animaux sont nerveux, depuis quelques temps déjà, les rongeurs ont quitté le rocher, suivis des chats et des chiens.

Les chevaux retenus par leurs liens, se cabrent à l’approche des palefreniers.

La tempête menace…

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