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Nantes, le développement par la culture : La construction de l’image d’une ville.

  • Conférence Dessau juin 2010
  • Dr Laurent Lescop, architecte dplg

Résumé : en une dizaine d’année, la ville de Nantes a profondément modifié son image : à celle d’une ville industrielle et portuaire iconisée par le hérissement de grues, elle substitue celle d’une ville de culture symbolisée par l’éléphant mécanique sur décor d’art contemporain.

Où retrouve-t-on les indices clés de cette transformation ? Comment passe-t-on d’un urbanisme d’opérations à un urbanisme de récits.

clip_image0026eme ville de France, Nantes a connu un considérable accroissement de sa population ses dernières années. Passant de la belle endormie la ville la plus agréable d’Europe selon le time magazine[1], Nantes a profondément modifié son image, la perception que pouvait en avoir les habitants eux-mêmes et les visiteurs la plaçant comme une étape importante sur la route vers la mer.

L’image de Nantes a été longtemps difficile à saisir. C’est une ville Oxymore. C’est un port maritime sans la mer, c’est une ville ouvrière et chrétienne, c’est une ville de Loire qui se méfie de son fleuve et s’en préserve, c’est une ville pont qui se développe principalement sur la rive nord, c’est enfin une agglomération avec un point de centralité fort, longtemps méprisé.

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Figure 1-port de Nantes en activité

Après la destruction du pont transbordeur en 1958, figure iconique de la ville, la ville a commencé sa lente mise en hibernation. Les grues, dont le hérissement façonnait le paysage, se sont transformées en autant de squelettes lorsqu’en 1987 ont fermé les Chantier Dubigeon. La friche industrielle s’est installée en ville. L’excellence industrielle s’est déportée vers Saint Nazaire, la ville sœur du bord de mer. Nantes a commencé à se redéfinir.

1 Le temps de la nostalgie.

Les indices de ce mouvement nostalgique sont décelables au cinéma par la façon qu’ont les réalisateurs d’observer la ville ou dans les réponses du concours des 50 otages lancé en 1990.

1.1 La vision cinématographique.

Même si Nantes n’est pas remarquée comme ville de cinéma[2], une vingtaine de films ont été tournés depuis 1946[3]. Des productions emblématiques comme « Lola[4] » ou « Une chambre en ville[5] », exportent l’image de Nantes et inscrivent la ville dans un processus de fonctionnalisation de la réalité. Comme souvent, le cinéma fige un état de réalisme pouvant s’éloigner de la réalité.

Le regard porté par les réalisateurs sur la ville est tout à fait significatif. Lola (1961) est d’une certaine manière l’œuvre séminale. La ville y est peinte comme une ville portuaire, hérissée de grues, image iconique que l’on retrouvera systématiquement ensuite. Les figures liées à l’imagerie marine sont convoquées, seul le passage Pommeraye se singularise.

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Figure 2-Lola, J.Demy 1961

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Figure 3-Lola, J.Demy 1961

La foret de grue dessine un paysage dont la canopée va se perdre dans un ciel épais. C’est un paysage éloigné, repoussé de l’autre côté de la Loire qui forme une barrière longtemps infranchissable. C’est aussi une ligne de repère où tout arrive puis finira par repartir, c’est bien une limite, une frontière, un point d’appuis duquel partent les protagonistes.

En ville, la géographie est plus difficile à saisir, le cinéma Katorza, le théâtre Graslin, non loin mais non relié, la place royale, la géographie de la ville est plus incertain. Plus encore si l’on connait les lieux, les extérieurs correspondant à d’autres intérieurs, le cinéma propose une nouvelle disposition, la logique narrative s’affranchissant de la logique géographique.

Deux escaliers donnent une pente importante à la ville et positionnent les comédiens dans une relation spatiale proche du théâtre. Le passage Pommeraye, son large escalier, ses balcons et ses multiples possibilités de composition et le petit escalier longeant les façades pelées d’une ville usée par le temps. Les deux dispositifs se renvoient l’un à l’autre. Mais on ne se souviendra que du passage Pommeraye.

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Figure 4-Lola, J.Demy 1961

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Figure 5-Lola, J.Demy 1961-le passage Pommeraye

Retour à Nantes en 1982 pour Jacques Demy, qui est, s’il faut encore le rappeler, un enfant du pays[6] avec Une Chambre en Ville. Le film s’ouvre sur un plan du pont transbordeur, disparut depuis vingt-quatre ans mais recréé par la magie du matte painting (ici un glass shot).

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Figure 6-Une chambre en Ville, J.Demy, 1989, Glass Shot du pont transbordeur

Le film se situe en 1955[7] et la vie ouvrière et portuaire a été recréée alors que le déclin de l’activité commençait à se faire réellement sentir. C’est un des rares films à investir l’Ile de Nantes, mais là encore en transformant l’espace. Bernard Evein a reconstitué le site des chantiers en s’installant dans la rue Noue Bras de Fer, dont on voit, de façon incongrue, le feu de signalisation en arrière-plan.

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Figure 7-Mise en place du glass shot[8]

S’il joue moins sur la figure des grues, Demy rappelle la figure des chantiers par l’activité des ouvriers, puis va, sur les traces de Lola, installer quelques scènes passage Pommeraye, devant le théâtre Graslin qui fait face à la Cigale.

Il est à noter que pour des questions budgétaires, la plupart des scènes sont réalisées en studio à Billancourt, huit jours de tournage seulement ont été réalisés à Nantes.

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Figure 8-Une chambre en Ville, J.Demy, 1989, reconstitution des chantiers

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Figure 9-Une chambre en Ville, J.Demy, 1989, le Passage Pommeraye

La nostalgie va s’exprimer encore plus fortement dans La Reine Blanche tourné en 1991 Jean-Loup Hubert[9]. L’action se déroule à Trentemoult sur la rive sud de la Loire, anciennement village de pécheurs et présenté dans le film comme un lieu de repli communautaire et identitaire très fort. L’action s’inscrit dans un passé proche, nostalgique où la figure du village s’oppose à celle de la ville, ici encore hérissée de ses grues portuaires.

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Figure 10-La Reine Blanche, JL.Hubert, 1991

L’oppostion se construit entre un village pratiquement intemporel, déréalisé et la silhouette lointaine de ce qui deviendra l’ile de Nantes.

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Figure 11-La Reine Blanche, JL.Hubert, 1991

La traversée vers la ville se fait en bateau, c’est un monde sans pont. De l’autre côté les point de chute est le port sans oublier le passage Pommeraye, là encore, objet d’une scène particulière.

La parade finale se déroule aux abords du château dans une ville quasi médiévale.

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Figure 12-La Reine Blanche, JL.Hubert, 1991, le passage Pommeraye

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Figure 13-La Reine Blanche, JL.Hubert, 1991

Dix ans plus tard, Pascal Thomas dans Mercredi, folle journée !…[10], rend compte d’une Nantes plus contemporaine, on y utilise le tramway, le tgv à la gare sud, les vues aériennes illustrant le générique de fin témoignent d’une inscription dans le présent. En même temps, les figures récurrentes des grues, l’idée de port et même d’une plage sur la rive sud de la Loire sont bien présentes.

Plus encore que dans les précédents films, les grues forment un leitmotiv entrant presque par effraction dans la cadre. Elles apparaissent en fond de paysage, hors d’échelle dans la perspective de l’avenue saint Anne, par l’ouverture des fenêtres ou comme silhouettes dressées dans le ciel nocturne.

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Figure 14-Mercredi folle journée!…, Pascal Thomas, 2001

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Figure 15-Mercredi folle journée!… Pascal Thomas, 2001

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Figure 16-Mercredi folle journée!… Pascal Thomas, 2001

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Figure 17-Mercredi folle journée!… Pascal Thomas, 2001

Pascal Thomas rend compte d’une ville plus inscrite dans le temps que Jacques Demy et son propos renvoyant à une réalité pouvant être cruelle et désespérante[11] s’appuie sur une ville que l’on peut situer dans le temps. En revanche, le travail sur l’espace est définitivement inscrit dans la narration cinématographique. On va ainsi trouver des champs/contre-champs urbains afin, par exemple, de montrer dans une simultanéité d’actions un contraste de destin. La cinéaste réinvente aussi la géographie de la ville en décrivant des parcours pour le moins surprenant pour qui connait la ville.

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Figure 18-Mercredi folle journée!… Pascal Thomas, 2001

Le travail sur l’espace du réalisateur apparait aussi sur la mise en image. Il recompose l’espace rapproche les objets, réduit certaines distances et recompose avec les objets iconiques de la ville. Cela est frappant lorsque l’on compare une image du film et une vue prise au même endroit (ici vue street view). La grue semble disproportionnée.

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Figure 19-Mercredi folle journée!…vue Place des Garennes.

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Figure 20-vue Place des Garennes, noter les proportions de la grue grise.

Liste des films tournés à Nantes :

À cause d’elle, 1993

Adolphe ou l’Âge tendre, 1968

Le Bateau à soupe, 1946

La côte d’amour

Debout les crabes, la mer monte !, 1983

La gueule du loup,

L’Ironie du sort, 1974

Jacquot de Nantes, 1991

Lola, 1961

Maléfices, 1962

Le Mataf, 1973

Mercredi folle journée, 2001

Les Parapluies de Cherbourg, 1964

La Reine blanche, 1991

Rue du Pied de Grue, 1979

Sauf le respect que je vous dois, 2005

Soigne ta droite, 1987

Le Tonnerre de Dieu, 1965

Tournée, 2010

Une chambre en ville, 1982

1.2 La vision urbanistique

Avec l’élection de Jean-Marc Ayrault à la mairie de Nantes, la ville comme à faire craque sa gangue poussiéreuse. Le nouveau maire est jeune, il a des projets qu’il présente sous le slogan « l’effet côte ouest ». Il réintroduit le tramway qui deviendra le vecteur du renouveau urbain et contribue à rapprocher Nantes de Paris grâce au tgv. La capitale n’est plus qu’à deux heures de Nantes.

Dans la foulée de l’élection municipale est lancé le concours des 50 otages. Le cours des 50 otages, anciennement lit de l’Erdre trace un profond sillon dans la ville, la coupant en deux parties se reflétant l’une l’autre. Erdre est un palindrome, les quartiers de part et autres en étaient aussi. On retrouvait les mêmes enseignes, les mêmes activités. Le cours, constitué suite au comblement de la rivière était lui-même infranchissable tant le flot de la circulation était dense.

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Figure 21-le cours avant les comblements

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Figure 22-le cours avant rénovation, symétrie, circulation, non franchissement.

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Figure 23-le cours aujourd’hui avec l’intervention de la plasticienne Christine 0’Loughlin

Bien que des équipes réputées audacieuses aient participé à la remise des esquisses, me concours liés à la transformation du cours des 50 otages a donné lieu à une approche étonnement nostalgique. La vision métaphorique mais parfois aussi réelle du retour à l’eau de la ville qualifié « Venise de l’Ouest » dominait la pensée ambiante.

Encouragée par les plus utopistes des élus et techniciens de la ville, la remise en eau de parts importantes de la ville a longtemps été discutée, mais finalement le bleu a fait place au vert, les végétaux figurant la place de l’eau, jouant à la fois la trace, la mémoire et le renouveau environnemental[12].

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Figure 24-le cours des 50 otages au contact de l’Erdre ; l’eau est remplacée par le végétal.

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Figure 25-Ile Feydeau, le vaisseau de pierre sur son onde végétale.

Sur le cours des 50 otages, la marge de manœuvre des architectes est faible, mais en sollicitant des grands noms, en montrant que d’autres visions, autres que nostalgiques ou passéistes pouvaient être envisageables, Jean-Marc Ayrault aura préparé le chemin du renouveau avec un Sherpa de talent : Jean Blaise.

2 A l’ouest le renouveau.

En introduisant la culture comme moteur du développement urbain, le maire de Nantes s’est inscrit dans l’un des axes de reconversion des villes anciennement industrielles. Mais ici, le choix a été fait de parier sur de l’éphémère, sur de l’évènementiel en faisant confiance à des troupes de théatre de rue. C’est ainsi que les nantais ont pu découvrir une troupe venue du sud appelée Royal de Luxe ».

2.1 Les allumés

Entre 1990 et 1995 les Allumés enflamment les nuits nantaises. La première édition a lieu du 15 au 20 octobre 1990, et met en relation Nantes et Barcelone. La manifestation est orchestrée par le CRDC[13] de Jean Blaise. Se succèdent les éditions de 1991, Saint-Pétersbourg, de 1992, Buenos-Aires, de 1993, Naples, en 1994, Le Caire et finalement, en 1995, La Havane qui n’a pas lieu dans la métropole ligérienne.

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Les Allumées, manifestation culturelle internationale rassemble des artistes de six grandes villes du monde invités à se produire à Nantes, six années durant. Les manifestations ont lieu durant six jours dans des lieux éclatés, hétéroclites (de l’Opéra à la friche industrielle) et parfois inconnus des Nantais eux-mêmes[14].

Le public suit avec beaucoup d’enthousiasme malgré quelques réserves quant à l’alcoolisation des participants les plus impliqués[15]. Une troupe, nouvelle dans le paysage nantais propose en 1990 sa « Véritable histoire de France », c’est le début de Royal de Luxe à Nantes.

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Figure 26-Les Allumées de Barcelone

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Figure 27-Les Allumées Leningrad / Saint-Petersburg

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Figure 28-Les Allumées Buenos-Aires

C’est de la culture en prise directe avec la ville, qui s’harnache à l’histoire et aux motifs de la ville. Chaque spectacle semble ne pouvoir se réaliser qu’à Nantes. Jean Blaise l’exprime ainsi en 2007 : «Peu de villes ont utilisé autant que Nantes la culture comme levier de développement économique. C’est un vrai pari, aujourd’hui réussi. Nous avons misé sur l’international et sur l’insolite. Avec des événements symptomatiques de la mutation de la cité, comme les Allumés. La presse nationale a suivi, avec enthousiasme. En un an, l’image de la ville a changé. Des artistes de talent comme la troupe de Royal de Luxe, le chorégraphe Claude Brumachon, sont arrivés. Le «jeu à la nantaise» c’est montrer des formes artistiques exigeantes et singulières, en conservant toujours le souci du public. Nous donnons par exemple aux Nantais l’occasion de redécouvrir leur patrimoine industriel, mais aussi de nouveaux quartiers comme l’île de Nantes. La culture est à la fois un vecteur de cohésion sociale et de développement économique ainsi qu’un moyen de reconquête de lieux inattendus. Au Lieu unique, nous recevons pas moins de 490.000 visiteurs par an, sans grand festival, juste avec une série de petits événements. Nous accueillons aussi des artistes en résidence. Avec Estuaire 2007, nous avons l’ambition de réaliser un grand projet territorial, celui de donner corps à la métropole Nantes-Saint-Nazaire. Ce territoire est déjà une réalité économique. En revanche, les habitants ne se sont pas encore appropriés les rives de la Loire. L’estuaire, lieu témoin des grandes industries qui ont animé le parcours du fleuve, sera désormais un endroit de promenade. Les sociétés locales jouent le jeu. Sur un budget de 7,5 millions d’euros, équivalent à celui d’une manifestation comme Lille 3000, les patrons apporteront 1,5 million d’euros. Nous en sommes d’autant plus fiers que l’art contemporain n’est pas forcément une forme artistique évidente pour les chefs d’entreprise locaux.»[16]

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Figure 29-Les Allumées de Naples

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Figure 30-Les Allumées du Caire

Suivront ensuite « traffic » et les « greniers du siècle ».

2.2 Royal de Luxe

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Figure 31-Royal de Luxe

La compagnie Royal de Luxe est créée en 1978 à Aix en Provence autour de Jean-Luc Courcoult. Dotée au début de moyens limités, la compagnie s’inscrit immédiatement dans le principe de perturbation de l’espace urbain. Les éléments qui constitueront la notoriété de Royal sont présents : récupération, mécanique, détournement.

En 1989, suite à la mission culturelle au Maroc, la troupe en panne de financement (la mairie de Toulouse où ils se sont déplacés, tolère un hébergement mais aucune aide) lance un appel dans la presse auquel répond favorablement Nantes. La ville met à disposition 10 000m².

Maintenant installée, la compagnie créée ce qui restera pour les nantais la première rencontre initiant une longue passion avec « La véritable histoire de France ».

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Figure 32-Royal de Luxe et l’histoire

Les rendez-vous seront ensuite réguliers[17], donnant vraiment l’impression que la troupe appartient viscéralement aux nantais. Ce que partage de fait beaucoup d’autres villes et habitants puisque les spectacles sont joués à travers le monde, offrant à chaque fois, de par la générosité du jeu, l’impression d’un don total.

L’impression la plus formidable, la plus intense arrive en 2005 avec la "La visite du Sultan des Indes" avec, pour la première fois, la vision titanesque de l’éléphant géant marchant dans les rues de Nantes.

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Figure 33-Royal de Luxe, la visite du Sultan

Personne n’était prévenu du parcours et au détour des rues, surgissait cette image inoubliable de ce monstre en bois, surmonté de sa maison. Surgie d’un obus, la petite géante offrait son étourdissante beauté à tous, c’était étonnement perpétuel, ravissement, enchantement.

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Figure 34-Royal de Luxe, la visite du Sultan-passage d’une époque à l’autre la figure de la grue s’efface au profit de celle de l’éléphant.

Suivront, du 1er au 10 février 2008, "La révolte des mannequins" dans les vitrines de Nantes… qui n’aura pas le même succès, le dispositif, statique, à échelle plus réduite ne sera pas toujours compris.

Entre le 5 au 7 juin 2009, Royal de Luxe présente à Nantes sa nouvelle création "La géante du Titanic et le scaphandrier" dans le cadre d’Estuaire 2009… c’est le retour de la géante et du géant, ils voyagent, se retrouvent. L’éléphant lui a trouvé un domicile fixe, il s’installe et tourne sur l’Ile de Nantes, en devient le symbole avant d’être la mascotte de la ville toute entière.

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Figure 35-La petite géante du Titanic et le scaphandrier

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Figure 36-l’éléphant version 2 résidant sur l’Ile de Nantes

2.3 L’étude Perrault

Entre 1990 et 2000, la « belle endormie » selon l’expression de son maire, se réveille, essentiellement par la culture. En plus des interventions des troupes de spectacle de rue, il faut évoquer, la folle journée[18], les rendez-vous de l’Erdre[19], les Utopiales[20] en 2000.

En décembre 1992, l’architecte Dominique Perrault a effectué pour la ville de Nantes une étude exploratoire qui a permis de poser des grands principes d’intervention[21].

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Figure 37-La prairie au Duc est convertie à terme en parc ; elle reste une réserve foncière et un champ de foire disponible pour diverses utilisations temporaires.

Dans son chapitre «Méthode», l’architecte estime qu’il n’est pas réaliste d’établir un plan général et fixe pour l’aménagement d’un territoire aussi vaste. Les interventions doivent s’inscrire dans trois registres «différents et concomitants » qui sans «ordre de hiérarchie» sont la promotion de nouvelles installations, l’établissement de liens, l’action avec toutes les parties en présence.

Définir un urbanisme pour une île, demande de gérer différents facteurs d’une redoutable complexité. Ces facteurs sont l’eau, qui ceinture et / ou pénètre, la terre immergée sur laquelle se déploient un urbanisme et une vie particulière, les berges, qui entretiennent une dialectique avec l’eau, et enfin les rives opposées, qui agissent souvent comme des miroirs et des référents.

3 L’ile de ville

Suite à l’étude de Perrault sensée fixer les orientations futures de l’urbanisme insulaire, la ville de Nantes décidait fin 98 début 99 de lancer une nouvelle consultation avec un cahier des charges précis. Les grandes préoccupations nantaises se trouvaient alors toutes entières concentrées sur cette vaste «parcelle ». Des thèmes forts qui évolueront ensuite très sensiblement sont imposés : la question de l’eau et du fleuve pour une relation moins conflictuelle avec la ville, la question du passé ouvrier et maritime, et enfin la question des créations de ZAC, la transformation des zones de logements dévalorisés, les espaces de transition et la gestion des zones tertiaires.

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Figure 38-Les projets d’aménagement dans le centre de Nantes

Avant 2000, l’urbanisme de l’Ile de Nantes n’avait pas été un urbanisme par strates, chaque époque recouvrant la précédente. Chaque période était allée à la conquête de son territoire, y a fortement imprimé son activité, puis selon la conjoncture l’a abandonné ou dynamisé. Il en résulta une très forte sectorisation, des frontières dressées et pratiquement étanches, des contrastes d’échelle saisissants.

Un double mouvement va caractériser les actions liant la ville à l’Ile de Nantes, un mouvement centripète pour le rattachement de l’Ile à la ville, puis un mouvement centrifuge de rayonnement de l’Ile sur l’agglomération toute entière et même au-delà.

3.1 Un site à constituer

L’Ile de Nantes est en fait une galaxie d’îles, que le temps et les hommes ont rassemblé par le comblement successif des bras secondaires. L’eau n’a disparu que dernièrement de l’intérieur de l’île, jusqu’en 1930 des cours et des canaux irriguaient encore sa superficie.

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Figure 39-La formation de l’île.

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Figure 40-Plan Jouanne, 1892 (extrait). A l’intérieur de l’île, l’eau est « urbanisée » dans des canaux. Le bâti s’organise autour de ce système hydraulique rappelant davantage encore Nantes comme la Venise de l’Ouest. Il est à noter que par rapport au plan Pinson (1869), la voie ferrée qui dorénavant traverse l’île ne permet plus au canal de rejoindre le sud de l’île.

Les canaux, traces des anciens bras de fleuve apprivoisés, et servant à l’irrigation économique du site, s’ensablèrent par le mouvement de la Loire. Aucun d’eux ne put être préservé, ils furent comblés.

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Figure 41-Ville de Nantes, Hugo d’Alesi vers 1889

A l’ouest, le souvenir des constructions navales de fort tonnage[22] restent encore dans les mémoires[23]. Après la fermeture des chantiers, leurs traces s’inscrivirent dans une archéologie urbaine[24] que la dynamique du site peu à peu recouvrit par quelques chantiers de constructions de taille plus modeste et des entreprises liées à l’image du large. Aujourd’hui, l’ouverture au grand large se manifeste par la présence ponctuelle de paquebots, il se développe également des animations de petite plaisance (comme la possibilité de faire le tour en bateau[25]) et la reprise active de la pêche à la civelle, cette dernière ayant été en forte décroissance dans les années 1991, 1992[26].

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Figure 42-l’Ile de Nantes en 1999

La pointe ouest de l’île semble être une proue s’avançant vers l’océan. Tout le reste de l’île semblant être tournée vers son centre. Est-ce pour cette raison que lorsque les habitants parlaient de cette zone, ce sont surtout des notions festives et de détente qui leur venaient à l’esprit. Le port est un lieu de convivialité, de rencontre, quel que soit finalement la structure. Cette image, générant cette dynamique a suscité notre de propositions formalisées lors du concours et en marge de celui-ci : un musée, une salle de spectacle, des restaurants…

Les relations entre Nantes et l’eau n’ont jamais été simples, plus la ville prenait des territoires sur la Loire, plus se manifestaient des remords sur la perte du contact intime avec la rivière. C’est que la Loire n’est pas qu’un fleuve à cet endroit, c’est une porte ouverte vers la mer, vers le large. Les habitants de l’île sont très sensibles à cette double appartenance mer / fleuve et souhaitent retrouver dans leur environnement des ambiances de bateliers ou de grand large : « pourquoi ne pas aménager un paquebot ou des bateaux au bord de Loire avec des guinguettes ou toute autre activité[27] ». Le rapport à l’eau s’exprime davantage pour la vie collective et sociale que pour le logement privé.

L’île de Nantes est au sud de la ville de Nantes, mais au cœur de l’agglomération nantaise. Cette position singulière fit naître des débats. Au sud de Nantes, l’île conservait un statut d’extra-territorialité et pouvait à loisir renforcer une image décalée, alternative à celle de la ville rive nord. A l’inverse, l’île de Nantes était susceptible de se présenter au centre d’un dispositif d’agglomération et revendiquer des équipements d’accueil et de redistribution des flux (routiers, ferroviaires, tramways, marchandises, informations…). C’est cette dernière orientation qui fut choisie.

Contrairement à de nombreuses villes construites par un fleuve, la Loire ici marquait une frontière entre le nord et le sud du pays. Loin de partager la ville, le fleuve la bornait, lui donnait une limite. Cette frontière est marquante du point de vue de l’habitat, au nord les toits aigus d’ardoises traduisent un climat pluvieux. La Loire franchie, les toits d’ardoises relativement plats semblent refléter un climat clément, plutôt ensoleillé. Franchir la Loire, c’est aussi changer de territoire. A mi-chemin, l’île de Nantes semble n’avoir pas pu s’attacher au nord, tout en étant rejetée par le sud.

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Figure 43-La Loire et le bras nord de l’île forment une frontière naturelle marquant deux territoires que la photo aérienne traduit bien. Au nord, l’ardoise et la ville dense, au sud, la tuile et une densité moindre. L’île de Nantes tente vainement de s’attacher à une rive nord qui lui tourne le dos.

L’île de Nantes n’était pas, comme l’île de la Cité, un point de départ pour la ville, un point de rayonnement, restant, en cas d’agression, l’ultime donjon où la population pourrait aller se réfugier. Rien de tel pour l’île de Nantes. Le développement de la ville a soigneusement évité de s’installer sur ces bancs de sables. Le déploiement de la cité des ducs s’est fait le long de la rive nord de la Loire, très ponctuellement le long de la ligne de pont, et dans la direction de Paris.

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Figure 44-la Loire comblée

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Etapes 1 et 2. (Les illustrations reprennent les dynamiques de développement non pas sur le tissu historique, mais sur le tissu actuel, afin de mieux superposer les orientations de développement). Nantes se développe à partir du point où l’Erdre se jette dans la Loire. A partir de ce point, la ville s’étend à l’est et à l’ouest, le long de la rive nord. Un axe supplémentaire s’ouvre vers Paris, il demeure encore structurant dans la ville. L’urbanisation le long de la ligne de ponts nord / sud est très faible malgré les projets de planification des îles.

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Etapes 3 et 4. Au XIXème siècle seulement des aménagements portuaires viennent s’installer sur la dorsale nord de l’île. Ces chantiers ne représentent qu’une petite partie de l’ensemble des installations qui s’étendent le long du fleuve jusqu’à la mer. Au cours du temps, de grosses installations vont occuper l’île, tandis que le logement et les commerces continueront de se propager vers le nord.

3.2 L’image perçue de l’ile.

Au centre de l’ile, deux lignes de ponts formaient une suite continue, alimentée par des axes routiers de grandes capacités et rassemblant pratiquement l’ensemble du transit nord / sud. La densité du flux était telle, que la perception de la traversée d’une île était peu évidente. La ligne des ponts n’inscrivait pas seulement deux larges cicatrices dans le territoire de l’île, elle concentrait la circulation rendant la traversée est / ouest compliquée.

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Figure 45-Le Chantier du Palais de Justice. Elément marquant du site, apparaît comme le premier point repère de la transformation du territoire. Sur cette aquarelle apparaissent les différents types d’architecture se côtoyant sur l’île montrant ainsi la difficulté de la recherche d’intégration des projets.

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Figure 46-La ligne des ponts s’inscrit dans l’interterritorialité des quartiers, eux-mêmes traces conservées de la forme des îlots. Les marques du passé sont ici profondément gravées dans le plan de l’île.

Ce marquage avait littéralement coupé l’Ile en trois morceaux de nom et d’usage différents. La perception de l’Ile en tant que territoire unique est bien une construction qu’a accompagné le concours.

Une étude sociologique a été menée par la société TMO[28] avait confirmé l’image brouillée que possédait l’Ile de Nantes avant 2000. Pour les non résidants, l’île de Nantes n’était pas perçue comme un tout, mais plutôt comme la pile d’un pont gigantesque reliant Nantes à Rezé. Pour les résidents, le fort marquage des territoires la faisait considérer comme un «sandwich[29]».

La perception du site comme une île n’existait donc pratiquement pas, et le rapport à l’eau ne se vivait que dans les secteurs ayant eu une activité portuaire (Sainte Anne, les chantiers Dubigeon). Le reste de l’île était davantage considéré comme une zone d’habitations faite de tours et de bâtiments des années 70[30]. Malgré tout, et pour certain habitant, une île étant un territoire cerné par l’eau, il existait une forte demande pour la possibilité de faire le tour de l’île, en bateau[31] ou à pied. « Il faut qu’on puisse faire le tour de l’île en jogging, on ne peut pas actuellement[32] » ; « Il faut développer un chemin de promenade tout autour de l’île. Il faut qu’on puisse faire le tour de l’île à pied[33] », telles sont exprimées les demandes des habitants. Les lignes de pont sectionnaient l’île en secteurs étanches : « on ne peut pas aller de bout en bout sur l’île, on butte sur la ligne de tram et après la République on se perd[34] ».

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Figure 47-La perception de l’île par les habitants (étude TMO). Pour les habitants de l’île, le rapport à l’eau s’exprime surtout par les systèmes de franchissement.

Une autre image urbaine se construit peut avant le concours Ile de Nantes, celle de la ville écologique. Dans un contexte de développement durable, d’agenda 21, de projet Jupiter, il existait une forte tendance portée par les élus verts, à organiser un urbanisme respectueux de l’écologie et de l’environnement. C’est ainsi qu’est proposée l’idée d’un « éco-quartier » où les questions de transports, d’énergie et de recyclage des déchets seraient traitées avec une particulière attention[35].

Le tramway, réalisation exemplaire à Nantes, y jouerait un rôle majeur. Le critère écologique pourrait même devenir un facteur discriminant pour les entreprises souhaitant intervenir sur les nouvelles constructions du site : « il pourrait être imposé aux promoteurs intervenant sur le site un cahier des charges précis, avec une sélection des mieux-disants, sur les questions de l’isolation, du recours aux énergies nouvelles, des facilités accordées pour le tri et le stockage des déchets dans les immeubles[36] ».

On retrouvait dans l’idée de l’éco-quartier la dialectique respect de l’environnement / ouverture aux nouvelles technologies avec l’arrivée de pôles technologiques. Les propositions de transformations des anciens chantiers étaient légions, généreux et novateurs, ils ne se formulaient toutefois pas dans un projet urbain cohérent, mais comme des actions ponctuelles : « …lieux de mémoire (Maison de la Loire, Parc des énergies nouvelles…) et des lieux de culture : par exemple, un théâtre de verdure à ciel ouvert à la pointe de l’île.[37] ».

Pour les habitants, la fonction écologique de l’île était surtout l’abandon de l’option minérale. « Au lieu de faire du béton, l’île verte, voilà ce que doit devenir Beaulieu[38] ».

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Figure 48-Projection de la ZAC-Projet minéral contre projet végétal

Pour les acteurs de la vie politique et sociale, pour les habitants de l’île et même pour les nantais extra insula, l’urbanisme de l’île Beaulieu avait toujours été considéré comme un échec flagrant et un contre-exemple[39]. Il fallait trouver la bonne méthode « si l’on ne veut pas refaire Beaulieu[40] ». Les élus de l’opposition par la voie d’Elisabeth Hubert (RPR) étaient d’accord, il faut « se méfier d’une densification trop forte[41] », et précisait dans une seconde intervention qu’il fallait faire « attention à ne pas verser dans la tentation de la surdensification, à l’image de la ZAC Sully[42] ».

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Figure 49-la constitution de Beaulieu

Beaulieu était considérée par les trois quarts de ses habitants comme un lieu de transit. L’installation, dans les années 2000 y était provisoire, il y avait été constaté que 70% de la population de l’île (les plus fortes concentrations se trouvent à Beaulieu), avait changé de logement pour aller ailleurs[43]. Dans ces conditions, il ne pouvait exister d’accroche sociale, de constitution de lieu de vie. Les loisirs, les rencontres se faisaient autre part. La confusion des espaces est totale. Ce que l’on appelait la ZAC Beaulieu était vécu comme une zone de bureaux, une zone tertiaire. «Le scénario de cauchemar, des immeubles de bureau partout[44]». Il est alors intéressant de noter que les bureaux ont été placés près des logements pour éviter dichotomie jour/nuit observée dans les citée dortoirs.

Les employés des bureaux étaient perçus comme des envahisseurs s’emparant, sur une courte durée, d’espaces qui n’était pas les leurs, et pour lesquels ils n’avaient aucune considération. «Des jeunes cadres dynamiques qui n’en ont rien à foutre du quartier», «des employés qui se barrent dès la sonnette…», «C’est un quartier qui n’est pas habité et ils continuent à mettre du bureau, comme ça continuera un quartier embouteillé mais sans vie[45]».

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Figure 50-Pour les habitants comme pour les élus, la ZAC de Beaulieu est considérée comme un échec. Les différentes modifications du plan de départ font qu’on ne peut lire dans cet espace aucune cohérence. Les blocs d’habitations, semés dans de vastes espaces reliés par des axes monumentaux. Aucune vie de quartier n’y est réellement possible. La ZAC Beaulieu est un espace de transit.

Parfois apparaissait sous-jacent, tel que cela a été exprimé par un militant associatif, les difficultés à assumer les mutations sociales : «pour moi, les bureaux c’est un affront à la main d’œuvre qui était autrefois sur l’île[46]». On voyait cela aussi dans le rejet des immeubles de luxe qui accentueraient encore les différences entre l’habitat populaire (les tours et les vieux quartiers) laissés à l’abandon au dépend de nouvelles zones luxueuses situées en bordure de Loire. «[…]Moi je vois l’avenir, bureaux et immeubles de luxe, inaccessibles pour le commun[47]».

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Figure 51-zone de bureau, Ile de Nantes

Ce qui caractérisait également le ressentiment des habitants de la partie Beaulieu de l’île, c’était la trahison. Les équipements promis (piscine, école, gendarmerie, marché) n’avaient pas été livrés, tandis que des immeubles poussaient encore et encore. L’urbanisme devenait confus, au coup pour coup, «pas très net[48]».

3.3 Le mouvement centripète.

Les enjeux étaient bien d’établir un équilibre entre des secteurs très traumatisés socialement et d’autres qui allaient, autour du palais de justice, symboliser le renouveau par la réussite. Un travail fut donc été mis en route pour ré enchanter le territoire de l’Ile. Pour cela, une communication intense, utilisant beaucoup d’images allait être lancée.

Pour Jean-Marc Ayrault le maire de Nantes, le projet de l’île de Nantes, représentait une opportunité extraordinaire de conquérir de la ville à l’intérieur même de son territoire. La réflexion Ile de Nantes, Rives de la Loire, s’inscrivit dans la continuité du projet «Nouvelle Centralité», qui a vu la transformation du Cours des Cinquante Otages, le réaménagement du pourtour de l’Ile Feydeau, la transformation de la Place Bretagne et plus globalement la mise en place d’un plan de déplacements de l’agglomération nantaise.

La stratégie définie reposait sur quatre points :

  1. La redéfinition des usages et du partage des espaces publics ;
  2. Le renforcement de l’identité des espaces publics majeurs tout en affirmant l’intégration de ceux-ci dans la continuité territoriale ;
  3. L’amélioration de l’agrément des espaces public sur le thème du confort, de la sécurité, de l’ambiance nocturne, du bruit et de l’esthétique et enfin ;
  4. Le travail sur la qualité afin de faciliter la maintenance et la pérennité des espaces[49].

Le but de l’étude était de s’inscrire dans la continuité de l’existant et de développer dans l’espace et dans le temps une réflexion globale. Pour le projet «Ile de Nantes» les équipes du concours disposaient d’un fond documentaire important comprenant des études techniques portant sur la Loire, la qualité de l’air, les données météorologiques et les plans lumière de l’agence Concepto (Narboni), l’étude historique prenant appui sur l’ouvrage de Gilles Bienvenu sur les plans historiques de Nantes, les études urbaines de Perrault, du Projet 2005, du plan de référence de quartier et enfin des Atlas des rives de la Loire. Soit au total un dossier comprenant 22 pièces de références[50] auxquelles étaient ajoutés le Cahier des Clauses Techniques Particulières, des documents programmatiques, d’orientation et administratifs. Il s’agissait pour les concepteurs de s’inscrire dans la continuité de l’étude de Dominique Perrault et des orientations qu’elle dégage, de s’inspirer des éléments du Projet 2005 et de travailler dans l’esprit de la «Nouvelle Centralité».

Les orientations générales du projet étaient :

1. Retrouver la qualité du fleuve ;

2. Approvisionner et desservir Nantes ;

3. Reconsidérer la question des déplacements ;

4. Développer les activités économiques ;

5. Promouvoir l’enseignement supérieur et la recherche ;

6. S’appuyer sur les quartiers existants pour favoriser la fonction résidentielle ;

7. Conforter les équipements publics ;

8. Considérer l’espace public et le paysage comme trame du projet d’ensemble[51].

Dans cet ensemble visant à rénover et embellir la ville de Nantes, la démarche «rives de Loire» occupait une position particulière où le consensus politique plus ou moins total, risquait de se briser sur la résistance des associations, nombreuses et remarquablement organisées. Par le passé déjà, les projets envisagés sur le site des chantiers avaient été rejetés[52].

La ville de Nantes était le maître d’ouvrage de la consultation[53], le pilotage et la coordination technique étant confiés à la Direction Générale de l’Aménagement et du Développement (DGAD), cette dernière ayant réalisée la plupart des documents d’orientation. Différents partenaires s’associèrent à la ville. En raison de la dimension du territoire à traiter, les attributions légales d’intervention ne furent pas toutes du ressort de la seule municipalité, de plus les interdépendances avec les sites riverains transforment de fait ce projet de ville en projet d’agglomération.

Les autres partenaires furent, le District, l’AURAN (Agence d’Urbanisme de l’Agglomération Nantaise), l’ADEAN (Agence de Développement Economique de l’Agglomération Nantaise), les acteurs institutionnels comme le Port Autonome Nantes/Saint Nazaire, la SNCF, et le MIN (La Société d’Exploitation du Marché d’intérêt National).

Bien que l’étude Ile de Nantes semble être globale, elle n’était qu’une partie d’une réflexion globale, menée à très grande échelle[54]. La partie qui est racontée ici et faisant l’objet d’une consultation d’architectes, est nommée «Plan de composition des espaces publics et du paysage». Il existait par ailleurs :

  1. · une étude de programmation urbaine pour les quartiers Ponts, République et Mangin,
  2. · une étude économique pilotée par le District et l’ADEAN,
  3. · un audit foncier (District),
  4. · une étude sur les paysages naturels et bâtis des Rives de la Loire (AURAN),
  5. · une expertise concernant l’état des sites industriels anciens, potentiellement pollués,
  6. · un diagnostic global sur l’état des quais, berges et rives.

Un dispositif de concertation sera par ailleurs mis en place. Fait remarquable pour un projet de cette taille, le projet l’île de Loire recueilli un consensus total au sein du conseil municipal[55]. L’ampleur du projet, les nombreux thèmes qu’il manipule permettait à chacun d’avoir un espace de proposition[56].

Il s’agit donc bien de définir ce que peut être une ville ou un morceau de ville au XXIème siècle, une ville faite de gestes forts, d’images puissantes. La référence, tant économique que culturelle est alors Bilbao. Un équipement fort pour tirer économiquement une ville sinistrée.

Il est vrai que l’Ile de Nantes au début des années 2000 ressemble à un champ de ruines. La destruction des entreprises et halles de fabrication créée des paysages chaotiques qui ne sont pas sans rappeler les ruines de guerre.

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Figure 52-Le démontage des entreprises et ateliers

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Figure 53-Le démontage des entreprises et ateliers

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Figure 54-le sentiment d’abandon caractérisait les anciens sites des chantiers

Labfac et Bruno Fortier partent sur des interventions localisées, estimant qu’un lieu fort peu servir de moteur au reste du site.

Labfac est un groupement composé de trois agences, LABFAC, AUC et TETRA. Ils proposèrent la mise en place d’un projet qui s’appuie sur l’existant. L’équipe ne cherchait pas à faire l’unité de l’île mais travaillait sur la diversité. Le projet reposait sur une armature minimale, une trame suffisante pour que l’île évolue en saisissant les opportunités.

L’un des éléments importants de cette démarche était la réalisation d’une grande “sinusoïde verte” est/ouest. Sur le site des anciens chantiers Dubigeon, un grand espace public était proposé. Il aurait accueilli un grand équipement culturel[57].

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Figure 55-proposition Labfac, la sinusoïde verte

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Figure 56-proposition Labfac

Le projet de l’équipe réunie autour de Bruno Fortier préservait et dégageait les rives, et l’urbanisation se faisait à l’intérieur de l’île. « Il faut donner à l’île de Nantes une image forte, une image contemporaine, à l’échelle métropolitaine [58]».

Pour Bruno Fortier, l’île se divise entre la “ville du large” et la “ville du fleuve”, pour lui, l’enjeu majeur se situe dans la ville du large. Le projet s’articulait donc autour d’un mail structurant. Entourant la Gare de l’État, il reliait la pointe de l’île à la place de la République, à l’emplacement des voies SNCF. Il constituait l’armature, le moteur d’un secteur à urbaniser.

La pointe de l’île accueillait un grand parvis ouvert sur la Loire. Une option prévoyait éventuellement un port de plaisance à cet endroit. À proximité, un grand équipement, la “Cité des Fleuves”, était envisagé. Sur le site des anciens chantiers Dubigeon, le “parc des Cales” permettait l’organisation de manifestations culturelles dans un lieu où les traces de l’histoire côtoient “des éléments contemporains et des belvédères futuristes”.

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Figure 57-Proposition Fortier, le mail

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Figure 58-Proposition Fortier, schéma

A l’opposé, le groupement Chemetoff-Berthomieu propose le fameux plan guide.

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Figure 59-proposition Chemetoff-Berthomieux, les zones programmatiques

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Figure 60-Alexandre Chemetoff exposant sont plan-guide

Arme redoutable, le plan guide reprend l’esthétique et les couleurs des plans de ville. L’idée, qui sera ensuite déclinée sous toutes ses formes est de présenter le projet comme étant une projection de l’avenir, une sorte de voyage dans le temps donnant le souvenir de la chose avant même qu’elle ne soit vue ou vécue.

Dans leur projet, l’île est partagée entre l’espace public et l’espace privé, entre l’île fluviale et l’île maritime. Chemetoff et Berthomieu définissent ainsi “une règle du jeu” au travers d’un “plan guide” qui permettra aux acteurs, publics ou privés, de se situer et de s’approprier le projet global. Des éléments fondateurs ancrent ce projet dans la réalité de l’île.

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Figure 61-le plan-guide est mis à jour tous les 6 mois

La volonté de la ville était de rattacher l’Ile de Nantes à la ville et la proposition lauréate s’attache, en multipliant les ponts et lieux attractifs de répondre à cette attente. Dans le développement de la première décennie du projet, un retournement va s’opérer, c’est la ville qui semble s’attacher au moteur « Ile de Nantes ».

3.4 Le mouvement centrifuge.

La SAMOA, Société d’Aménagement de la Métropole Ouest Atlantique est créée en 2003. C’est une société d’économie mixte dédiée au pilotage du projet Ile de Nantes. La SAMOA met en place un certain nombre d’interfaces de concertation et de présentation des projets au public. Il y a un site internet[59], présentant l’historique et le développement des opérations, un lieu d’expositions et de rencontres où nombre de documents sont distribués, le hangar 32.

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Figure 60-le Hangar 32, lieu d’information et de concertation

Une large diffusion d’image est opérée. Le projet semble avancer par petites touches, un point ici, un autre là. Dans l’entre temps, le croquis manuel devient une image de synthèse puis une photographie. A l’exemple de Chemetoff qui présentait toujours « le même plan[60] » pour convaincre de la justesse de sa proposition, la SAMOA présente des documents formatés de façon à ce que l’on retrouve toujours les mêmes rubriques.

Les projets sont toujours montrés avec des lieux déjà réalisées, l’association se fait donc naturellement entre le présent et le devenir. Comme au cinéma, la construction mentale recompose un espace global et cohérent.

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Figure 62-projets et réalité se côtoient dans le même espace de présentation

La cohérence de l’ensemble n’est pas tant dans le projet que dans les esprits des nantais qui composent, recomposent et modifient légèrement le paysage qui leur est livré. C’est donc bien la construction d’une image mentale, la mémoire anticipée de la ville.

Les mêmes thèmes semblent revenir sans cesse, mais en réalité, à travers la presse, les diffusions officielles et dossiers spéciaux. Ce qui était du projet, devient du chantier puis de la réalisation. L’impression laissée est celle de connaitre par avance, les modifications des lieux, la mémoire est préparée, il y a une forme « d’amorce » qui donne une impression de fort consensus.

« Pour pouvoir suivre l’évolution réelle du site, dans des temporalités à court et à long terme, la méthode d’intervention tend à privilégier le projet in situ – les espaces publics comme expression concrète du projet d’ensemble – avant la mise en place d’une procédure abstraite et totalisante. Un outil, le Plan-guide, sert de carte perspective, actualisée en permanence par l’état réel du projet. Agir en fonction de l’identité de l’île permet de comprendre les articulations nécessaires au projet global. La mise en place d’un principe d’économie en termes de moyens, d’effets et de finances détermine une action qui s’inscrit subtilement dans la géographie et la mémoire du site, sans créer de ruptures radicales. Il s’agit d’un projet qui reste relatif et ouvert et qui donne une direction d’intervention sur l’ensemble du territoire en respectant l’évolution du site au fil du temps. [61]»

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Figure 63-le parc, lettre d’actualité 01, le croquis

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Figure 64-lettre d’actualité 03, l’image de synthèse

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Figure 65- lettre d’actualité 05, la photographie

Le plan guide sert de document stratégique de conquête et modification du territoire. Contrairement à d’autres villes où les opérations ne possèdent pas toujours une signature graphique identifiable, ici, la touche Chemetoff est préservée. A noter que, comme dans les plans historiques de Nantes, les parties réalisées côtoient les parties projet.

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Figure 66-plan guide projet

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Figure 67-Plan de Nantes, extrait, 1854, par L. Amouroux, architecte

Ce qui est mis en œuvre au niveau urbain, l’est également au niveau architectural, d’esquisse à réalisation, chaque petite boite vient prendre sa place sur le fond de plan. Chemetoff disait qu’il part d’un document flou sur lequel il fait petit à petit le point. Plus l’image est nette, plus on voit de détails, mieux on comprend les nuances. Il installe surtout un concept puissant, celui de «logique du vivant» : «Tout travail sur la ville suppose que vous fassiez une part à l’incertitude, comme quand vous plantez un arbre. Vous choisissez un emplacement, vous choisissez une essence, mais vous ne savez pas exactement comment il va pousser. Une ville, un arbre, c’est du vivant[62]. »

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Figure 68-L’ENSAN dans son dispositif urbain

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Figure 69-L’image du concours

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Figure 70-l’ENSAN point de départ de la biennale « Estuaire »

clip_image169C’est à ce petit édicule bleu que s’accroche la guirlande d’œuvres allant de Nantes à Saint-Nazaire dans le cadre de la deuxième édition d’Estuaire. L’Absence est une sculpture de l’Atelier Van Lieshout (AVL). Elle offre l’apparence d’une masse mouvante et vivante aux multiples protubérances, comme l’incarnation d’un geste instinctif, dénué de toutes limites de formes ou de fonctions. En étant point de départ de la manifestation estuaire, l’Ile de Nantes montre comment une démarche urbaine inscrite, par sa sensibilité et ses choix, dans une posture culturelle, parvient à rayonner sur l’agglomération et bien au-delà, jusqu’aux portes de l’estuaire.

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Figure 71-Estuaire 2009 prenant comme point de départ l’Ile de Nantes

Car en effet, ce qui a caractérisé les neuf ans d’intervention d’Alexandre Chemetoff, c’est la possibilité pour des créateurs d’images fortes de pouvoir s’installer dans un lieu en mutation, non pas pour l’occuper, comme on le voit trop souvent, mais bien pour le transformer. Ainsi en est-il de la Machine de François Delarozière, en sera-t-il aussi, espérons-le, du quartier de la création.

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Figure 72-l’éléphant de la Machine

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Figure 73-le Quartier de la création

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4 Conclusion : la marche de l’éléphant

clip_image178En dix ans, la ville de Nantes a radicalement changé son image et s’est pour cela abondamment appuyée sur des producteurs d’images, disons même, d’icônes tellement leur puissance évocatrice est importante.

clip_image179A l’investiture de Jean-Marc Ayrault comme maire de Nantes, la ville se recroqueville sur son passé. Le cinéma ne lui reconnait qu’un paysage de grues et les volutes du passage Pommeraye ou de la Cigale. Lors du premier grand projet urbain du nouveau maire, les réponses font référence ostensiblement ou discrètement, aux formes et figures de la ville avant les comblements.

En ouvrant une réflexion sur une immense friche urbaine en plein centre-ville, Jean-Marc Ayrault travaille au corps une population qui s’ouvre déjà aux malices de la culture de théâtre de rue et à l’art contemporain. Pour la première fois, sur cet espace désormais nommé Ile de Nantes, la ville va pouvoir se faire sur la ville, de nouvelles orientations pourront être proposées.

clip_image180La volonté est clairement d’arrimer l’Ile à la Ville. Le palais de justice de Nouvel, installé comme tête de pont, semble encore bien seul et la passerelle le connectant directement à la rive nord parait comme ne pas se couper de la terre mère. En réponse au concours d’urbanisation de l’Ile, deux des trois équipes jouent la logique Bilbao en inscrivant un équipement marquant laissant, visiblement encombrés par la démesure du site, le reste à l’inspiration future.

Comme une contreproposition, Alexandre Chemetoff produit un plan guide qui ne fait que déterminer les espaces publics et privés. La trame est solide, mais non rigide, n’importe quel programme urbain peut s’y installer. Or, très vite, par-delà les inévitables invocations écologiques et patrimoniales, l’urbaniste paysagiste s’est installé comme commissaire d’un quartier en exposition.

Le projet est monté par l’image. Des images venant doucement comme des vignettes, puis plus importantes, puis familières, puis mélangées avec des réalisations, puis devenant elles-mêmes des réalisations, elles deviennent le cadre de nouvelles images. Les nantais se familiarisent avec des formes audacieuses, des architectures volontaires et adoptent même un éléphant en bois autour duquel ils se pressent en masse le dimanche et jours fériés.

clip_image181Oubliées les grues, certainement un peu, elles sont patrimoniales, mais renvoient-elles encore au passé portuaire ou à l’image steampunk qui accompagne les machines de l’ile ? L’Ile de Nantes a pris son autonomie et ce n’est plus la ville qui cherche à l’inclure mais bien l’inverse, profiter de son dynamisme, de son aspiration pour avancer. Point d’accroche et de départ de Estuaire 2009, l’Ile assume son avant-gardisme pour accueillir le futur quartier de la création.

Dix ans et on peine à imaginer que ce lieu a pu être autrement, les images anciennes se brouillent, s’effacent, se souvient-on seulement ce qu’il y avait avant la gare de l’éléphant, avant la Fabrique ou les ginguettes du hangar à bananes ? ville des grues, Nantes est devenue ville de l’éléphant, ville industrielle, elle est devenue ville de culture.

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5 Références

5.1 Table des illustrations

Figure 1-port de Nantes en activité. 1

Figure 2-Lola, J.Demy 1961. 2

Figure 3-Lola, J.Demy 1961. 2

Figure 4-Lola, J.Demy 1961. 3

Figure 5-Lola, J.Demy 1961-le passage Pommeraye. 3

Figure 6-Une chambre en Ville, J.Demy, 1989, Glass Shot du pont transbordeur. 4

Figure 7-Mise en place du glass shot. 4

Figure 8-Une chambre en Ville, J.Demy, 1989, reconstitution des chantiers. 5

Figure 9-Une chambre en Ville, J.Demy, 1989, le Passage Pommeraye. 5

Figure 10-La Reine Blanche, JL.Hubert, 1991. 6

Figure 11-La Reine Blanche, JL.Hubert, 1991. 6

Figure 12-La Reine Blanche, JL.Hubert, 1991, le passage Pommeraye. 7

Figure 13-La Reine Blanche, JL.Hubert, 1991. 7

Figure 14-Mercredi folle journée!…, Pascal Thomas, 2001. 8

Figure 15-Mercredi folle journée!… Pascal Thomas, 2001. 8

Figure 16-Mercredi folle journée!… Pascal Thomas, 2001. 8

Figure 17-Mercredi folle journée!… Pascal Thomas, 2001. 9

Figure 18-Mercredi folle journée!… Pascal Thomas, 2001. 9

Figure 19-Mercredi folle journée!…vue Place des Garennes. 10

Figure 20-vue Place des Garennes, noter les proportions de la grue grise. 10

Figure 21-le cours avant les comblements. 11

Figure 22-le cours avant rénovation, symétrie, circulation, non franchissement. 11

Figure 23-le cours aujourd’hui avec l’intervention de la plasticienne Christine 0’Loughlin. 11

Figure 24-le cours des 50 otages au contact de l’Erdre ; l’eau est remplacée par le végétal. 12

Figure 25-Ile Feydeau, le vaisseau de pierre sur son onde végétale. 12

Figure 26-Les Allumées de Barcelone. 13

Figure 27-Les Allumées Leningrad / Saint-Petersburg. 14

Figure 28-Les Allumées Buenos-Aires. 14

Figure 29-Les Allumées de Naples. 15

Figure 30-Les Allumées du Caire. 15

Figure 31-Royal de Luxe. 16

Figure 32-Royal de Luxe et l’histoire. 16

Figure 33-Royal de Luxe, la visite du Sultan. 17

Figure 34-Royal de Luxe, la visite du Sultan-passage d’une époque à l’autre la figure de la grue s’efface au profit de celle de l’éléphant. 17

Figure 35-La petite géante du Titanic et le scaphandrier. 18

Figure 36-l’éléphant version 2 résidant sur l’Ile de Nantes. 18

Figure 37-La prairie au Duc est convertie à terme en parc ; elle reste une réserve foncière et un champ de foire disponible pour diverses utilisations temporaires. 19

Figure 38-Les projets d’aménagement dans le centre de Nantes. 20

Figure 39-La formation de l’île. 21

Figure 40-Plan Jouanne, 1892 (extrait). A l’intérieur de l’île, l’eau est « urbanisée » dans des canaux. Le bâti s’organise autour de ce système hydraulique rappelant davantage encore Nantes comme la Venise de l’Ouest. Il est à noter que par rapport au plan Pinson (1869), la voie ferrée qui dorénavant traverse l’île ne permet plus au canal de rejoindre le sud de l’île. 21

Figure 41-Ville de Nantes, Hugo d’Alesi vers 1889. 21

Figure 42-l’Ile de Nantes en 1999. 22

Figure 43-La Loire et le bras nord de l’île forment une frontière naturelle marquant deux territoires que la photo aérienne traduit bien. Au nord, l’ardoise et la ville dense, au sud, la tuile et une densité moindre. L’île de Nantes tente vainement de s’attacher à une rive nord qui lui tourne le dos. 23

Figure 44-la Loire comblée. 23

Figure 45-Le Chantier du Palais de Justice. Elément marquant du site, apparaît comme le premier point repère de la transformation du territoire. Sur cette aquarelle apparaissent les différents types d’architecture se côtoyant sur l’île montrant ainsi la difficulté de la recherche d’intégration des projets. 25

Figure 46-La ligne des ponts s’inscrit dans l’interterritorialité des quartiers, eux-mêmes traces conservées de la forme des îlots. Les marques du passé sont ici profondément gravées dans le plan de l’île. 25

Figure 47-La perception de l’île par les habitants (étude TMO). Pour les habitants de l’île, le rapport à l’eau s’exprime surtout par les systèmes de franchissement. 26

Figure 48-Projection de la ZAC-Projet minéral contre projet végétal 27

Figure 49-la constitution de Beaulieu. 28

Figure 50-Pour les habitants comme pour les élus, la ZAC de Beaulieu est considérée comme un échec. Les différentes modifications du plan de départ font qu’on ne peut lire dans cet espace aucune cohérence. Les blocs d’habitations, semés dans de vastes espaces reliés par des axes monumentaux. Aucune vie de quartier n’y est réellement possible. La ZAC Beaulieu est un espace de transit. 29

Figure 51-zone de bureau, Ile de Nantes. 29

Figure 52-Le démontage des entreprises et ateliers. 32

Figure 53-Le démontage des entreprises et ateliers. 32

Figure 54-le sentiment d’abandon caractérisait les anciens sites des chantiers. 32

Figure 55-proposition Labfac, la sinusoïde verte. 33

Figure 56-proposition Labfac. 33

Figure 57-Proposition Fortier, le mail 34

Figure 58-Proposition Fortier, schéma. 34

Figure 59-proposition Chemetoff-Berthomieux, les zones programmatiques. 35

Figure 60-Alexandre Chemetoff exposant sont plan-guide. 35

Figure 61-le plan-guide est mis à jour tous les 6 mois. 36

Figure 62-projets et réalité se cotoient dans le même espace de présentation. 37

Figure 63-le parc, lettre d’actualité 01, le croquis. 38

Figure 64-lettre d’actualité 03, l’image de synthèse. 38

Figure 65- lettre d’actualité 05, la photographie. 38

Figure 66-plan guide projet. 39

Figure 67-Plan de Nantes, extrait, 1854, par L. Amouroux, architecte. 39

Figure 68-L’ENSAN dans son dispositif urbain. 40

Figure 69-L’image du concours. 40

Figure 70-l’ENSAN point de départ de la biennale « Estuaire ». 40

Figure 71-Estuaire 2009 prenant comme point de départ l’Ile de Nantes. 41

Figure 72-l’éléphant de la Machine. 41

Figure 73-le Quartier de la création. 41

5.2 Table des parties

Construction de l’image d’une ville

1 Le temps de la nostalgie. 2

1.1 La vision cinématographique. 2

1.2 La vision urbanistique. 11

2 A l’ouest le renouveau. 13

2.1 Les allumés. 13

2.2 Royal de Luxe. 16

2.3 L’étude Perrault. 19

3 L’ile de ville. 20

3.1 Un site à constituer. 21

3.2 L’image perçue de l’ile. 25

3.3 Le mouvement centripète. 29

3.4 Le mouvement centrifuge. 36

4 Conclusion : la marche de l’éléphant. 43

5 Références. 44

5.1 Table des illustrations. 44

5.2 Table des parties. 47


[1] Time magazine, Vol. 164, No. 8, August 30, 2004

[2] E.Pasquier note que dans l’ouvrage La ville au cinéma, Nantes n’est pas répertoriée comme ville dite cinématographique. Place publique #4, Élisabeth Pasquier Cinéma, ville et politique, pp.140-144. La ville au cinéma de Thierry Jousse, Thierry Paquot, et Collectif, 2005.

[3] Le Bateau à soupe, Maurice Gleize, 1946.

[4] Film franco-italien réalisé par Jacques Demy, sorti en 1961.

[5] Film musical dramatique français de Jacques Demy, sorti en 1982.

[6] Jacques Demy est né le 5 juin 1931 à Pontchâteau (Loire-Atlantique), mais habitait enfant 9, quai des Tanneurs à Nantes

[7] Le film rend compte des grèves de 1955 réputées comme très dures. Le 17 aout a vu ainsi le saccage du syndicat patronal. « « Ces grèves de 1955 sont la conséquence directe de l’attitude du patronat » », revue Agone, 33 | 2005

[8] Yves Aumont, Alain-Pierre Daguin, Les Lumières de la ville, Un siècle de cinéma à Nantes, L’Atalante, 1998, p.120

[9] Jean-Loup Hubert est né le 4 octobre 1949 à Nantes.

[10] Mercredi folle journée !… film français réalisé par Pascal Thomas, 2001.

[11] Les enfants « oubliés », la mère toxicomane.

[12] Nantes est la première ville française lauréate du prix Gubbio. Réuni à Gênes (Italie), le jury international du prix Gubbio a particulièrement salué le réaménagement du Cours des 50 otages et de l’île Feydeau conçus par l’architecte-urbaniste Bruno Fortier, lui-même lauréat du grand prix de l’urbanisme 2002

[13] Centre de recherche pour le développement culturel

[14] http://www.nantes.fr/les-allumees

[15] L’Express Spécial Nantes: Quand Nantes S’allume, Saranga Karen, publié le 07/10/1993

[16] Jean Blaise, l’« allumé » nantais, Lesechos.fr • Le 14 mars 2007,

[17] De fin 1994 à mai 1995, le Royal crée "Le péplum", un péplum théâtral dont l’action se déroule il y a plus de 2 000 ans en Égypte. Dès sa première année de tournée, de juin à novembre 1995, ce spectacle est donné 46 fois dans 11 villes françaises (dont Le Havre, Nantes, Calais…), à Vienne et à Anvers. Au total, le nombre de spectateurs ayant vu "Le péplum" lors de sa tournée 1995 peut être estimé entre 110 000 et 130 000 personnes. En 1996, "Le péplum" a été joué 39 fois dans 11 villes en Europe (Vienne en Autriche, Poznan en Pologne, Groningen en Hollande, Berlin en Allemagne,…) devant un public estimé de 94 000 à 110 000 personnes.

"Le rhinocéros" 1997 : spectacle créé et donné en avant-première à Arles pendant les Rencontres Internationales de la Photo. "Le rhinocéros" sera présent tous les jours de l’Exposition Universelle de Lisboa 1998.

"La maison dans les arbres" : donné à Nantes du 22 au 26 août 1998.

D’octobre 1997 à mars 1998, le Royal s’est engagé dans une aventure théâtrale de 6 mois au Cameroun. Les interventions théâtrales se déroulaient sur les marchés des villages camerounais.

En 1998, le Royal veut signer son retour sur le sol européen par une série de spectacles destinés aux grandes villes avec une histoire basée sur l’Afrique. Le scénario qui verra le "Géant" revenir d’Afrique avec un enfant noir, respectera la construction de ses apparitions précédentes : une arrivée, un départ et trois ou quatre jours de présence dans la ville. Ce spectacle intitulé "Retour d’Afrique" est marqué par une grande parade composée des 2 géants et d’une série de 4 grandes machines à musique animées par un total de 55 musiciens du Burkina Faso.

En 1999, Royal de Luxe revient à une forme plus "légère" et crée "Petits contes nègres titre provisoire", spectacle de 9 contes africano-européens, dont l’ordre de présentation est tiré au sort par les spectateurs, installés sur un gradin "Royal de Luxe". "Petits contes nègres titre provisoire" est coproduit par la Mission 2000 en France. Créé à Nantes le 5 juin 1999, il est présenté dans une douzaine de villes au cours de l’été 1999, dont Avignon (spectacle d’ouverture) : 72 représentations de juin à octobre, soit 70 000 spectateurs.

De mai à juillet 2000, une nouvelle tournée européenne permet de présenter le spectacle dans une dizaine de villes. A partir d’août 2000, la compagnie poursuit son travail de création théâtrale en inventant une nouvelle histoire dans la lignée du "Géant". Cette fois, il s’agit de la rencontre du petit géant, d’un girafeau et d’une girafe…

Automne 2001, la compagnie poursuit son travail de création théâtrale avec Les Petits contes chinois revus et corrigés par les nègres…

Source : www.nantes.fr

[18] La Folle Journée est un festival de musique classique à thème, créé en 1995 par René Martin, organisé annuellement à Nantes.

[19] Créés en 1991, c’est un festival de Jazz

[20] Utopiales est un festival international de science-fiction, créé par Bruno della Chiesa au Futuroscope de Poitiers en 1998. Le nom d’origine du festival, "Utopia", a été suggéré par Christian Grenier en 1997. Depuis l’an 2000, il a lieu sous le nom d’Utopiales à Nantes.

[21] PERRAULT Dominique GRETHER François, Au cœur du Grand Nantes, l’Ile de Nantes, Etude exploratoire pour l’aménagement de l’Ile de Nantes, décembre 1992.

[22] KEROUANTON Jean-Louis, SICARD Daniel, La construction navale en Basse-Loire, Inventaire Général des Pays de la Loire, 1992, 64p.

[23] BARRAU Franck, WESTER Pascale, chantiers artisanaux et patrimoine maritime : histoires passionnées, in Nantes Passion pp.32-36, mai 98

[24] BOURDIN et Al., Le patrimoine comme élément dynamique de l’aménagement de l’Ile Sainte Anne/Prairie au Duc ?, Op.Cit.

[25] Ouest France, 27.04.98, lors de la manifestation « L’île était une fois » voir aussi les numéros de Ouest France du 21.04.98 et du 25.04.98.

[26] Atlas Rives de la Loire, Tome 1, Territoires stratégiques et de projets, p.97, District de l’Agglomération Nantes, Agence d’Etudes Urbaines de l’Agglomération Nantaise.

[27] Op.cit. p.32

[28] TMO Régions, Ile de Nantes, Etude qualitative auprès des habitants, rapport, octobre 1998, 37p. + annexes.

[29] Op.cit. p.14

[30] Op.cit. p.13

[31] Ouest France, 28-29.11.1998

[32] Etude TMO, Op.cit. p.29

[33] Op.cit. p.33

[34] Op.cit. p.29

[35] Presse Océan, 28.11.1998

[36] Ouest France, 28-29.11.1998

[37] ibid.

[38] Etude TMO, op.cit., p.33

[39] FAVREAU Adrien, La Loire, reflet des nouvelles ambitions de Nantes, in Le Monde, 24.11.1998

[40] Nantes Passion, octobre 1998, p.32

[41] Presse Océan, 11.12.1998

[42] Ouest France, 11.12.1998

[43] Gerau Conseil, Nantes, Etat des Lieux – Diagnostic du quartier Ile de Nantes, plan de référence des quartiers, p.7, Décembre 1997, 21p.

[44] Etude TMO, op.cit., p.24

[45] Etude TMO, op.cit., p.24

[46] Etude TMO, op.cit., p.25

[47] Etude TMO, op.cit., p.25

[48] Etude TMO, op.cit., p.26

[49] C.C.T.P., Ile de Nantes, Rives de Loire – D.G.A.D. novembre 1998, p.21

[50] Documents graphiques :

1. Une vue aérienne de l’île

2. Le plan de l’île

3. Un reportage photographique sur l’île et ses abords

4. Les fonds de plan de la place de la Maison des Syndicats et du quai Crouan

5. Un plan de circulation avec comptage

Etudes et documents écrits

1. L’étude Perrault

2. Le projet 2005

3. Les atlas Rives de Loire, Tome 1 et 2

4. Le Plan de référence de Quartier / diagnostic Ile de Nantes

5. Le dossier de consultation des entreprises pour le Palais de Justice

6. L’avant Projet Sommaire de la Maison des Syndicats

7. Le dossier de consultation du Pont piétons et vélos

8. Un extrait du Plan d’Occupation des Sols

9. Les études techniques sur les quais

10. Le cahier des charges de l’étude économique et foncière et de l’étude sur l’environnement

11. Le Plan de Déplacement Urbain de l’Agglomération

12. Les documents concernant la modélisation de l’estuaire et la proposition d’un ouvrage de déconnexion

13. L’étude TMO sur l’image de l’île

14. Le schéma des continuités piétonnes sur berges et des continuités 2 roues

15. Les projets dans le contexte urbain proche de l’île

16. La note aéraulique

17. La note sur la pollution et la diffusion de la pollution.

[51] Les orientations générales, Ile de Nantes, Rives de Loire, mars 1999, p.1

[52] BOURDIN Nicolas, GRAULT Lucile, HOULBREQUE Ludovic, PLUCHON Géraldine, SOBRAL Jorge, ZARIFFA Stéphanie, Le patrimoine comme élément dynamique de l’aménagement de l’Ile Sainte Anne/Prairie au Duc ?, DESS «Ville et Territoire», Université de Nantes, Mai 1999, 315p. + annexes.

[53] C.C.T.P., Ile de Nantes, Rives de Loire – D.G.A.D. novembre 1998, p.11

[54] C.C.T.P., Ile de Nantes, Rives de Loire – D.G.A.D. novembre 1998, p.13

[55] Presse Océan, 11.12.1998

[56] Ouest France, 11.12.1998

[57] Labfac et l’ile de nantes : AA 327 / 2000 / p. 28

[58] Nantes Passion n°100 décembre 1999

[59] www.iledenantes.com

[60] En réalité le plan est constamment réajusté mais les modifications ne sont pas immédiatement visibles.

[61] Extrait du document édité par le Bureau des paysages, 2000/ Ile de Nantes (44) « Le Plan-Guide en chantier »

[62] Place publique #4, Dossier : Île de nantes : une ville se construit sous nos yeux, Alexandre Chemetoff ou la logique du vivant, pp.36-39, 2007

Scénographia – cage de scène virtuelle

3 | 2010
Utopies de la scène, scènes de l’utopie
Les traces d’une démarche utopique : dossier artistique

Scénographia – cage de scène virtuelle

Laurent Lescop, Bruno Suner, Régis Vasseur et Marcel Freydefonthttps://doi.org/10.4000/agon.1467Résumé | Index | Plan | Texte | Notes | Illustrations | Citation | Auteurs

RÉSUMÉ

Scénographia propose une méthodologie passant par la réalisation d’une cage de scène virtuelle pour aider à l’adaptation d’un même spectacle en différents lieux. C’est un outil d’aide à la décision, d’archivage et de conception destiné aux directeurs techniques et aux scénographes.
Scénographia est un projet d’étude et de recherche appliquée mené actuellement pour la Région Pays de la Loire par le Groupe d’étude et de recherche scénologique en architecture (GERSA) du Département Scénographie de l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Nantes (ENSAN), avec deux partenaires : tout d’abord Angers Nantes Opéra (ANO), Syndicat mixte financé par les villes de Nantes et d’Angers, le ministère de la Culture et de la Communication (Drac Pays de la Loire), le Conseil Général de Loire-Atlantique, le Conseil Régional des Pays de la Loire, le Conseil Général de Maine-et-Loire, qui a pour objet la création et la diffusion d’opéras, et ensuite CEDREO INTERACTIVE, société spécialisée dans la 3D interactive sur le web, la création d’images de synthèse, de vidéos 3D et d’applications multimédia 3D à fort impact visuel et le développement de logiciels 3D. Angers Nantes Opéra est utilisateur destinataire du projet Scénographia. Il a le rôle de « maître d’usage » dans ce processus.Haut de page

ENTRÉES D’INDEX

Mots-clés :

scénographieoutiladaptabilitémodélisationnumérisationHaut de page

PLAN

Présentation généraleL’acquisition des données géométriques et physiques du lieuLe nuage de pointsDu nuage à la surfaceLa question des perchesLa numérisation des décorsGérer virtuellement un spectacle par sa conduiteAttacher la géométrie virtuelle à la conduiteLa gestion de la temporalitéL’adaptation du spectacle en différents lieuxPerspectives et développementsUtopie… ?Haut de page

TEXTE INTÉGRAL

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Présentation générale

1La question scénographique qui se pose à chaque production ou diffusion, pour tout spectacle et, a fortiori si celui-ci doit être présenté dans des théâtres différents, est celle du dénominateur commun entre les salles, plus particulièrement entre les cages de scène. Cette question de dénominateur commun se pose plus largement avec les salles pressenties pour une tournée.

2Il s’agit donc de concevoir et de mettre au point une cage de scène virtuelle permettant à Angers Nantes Opéra (qui travaille régulièrement dans quatre salles différentes, mais aussi, dans le cadre de coproductions, dans d’autres théâtres) de prévoir et d’anticiper la plantation des dispositifs, décors, éléments de mobilier, accessoires, costumes, lumières d’une œuvre lyrique.

3CEDREO INTERACTIVE a pour mission la conception des outils numériques et des logiciels permettant la mise en œuvre informatique et son intégration sur internet.

4Le cœur du projet Scénographia est de faciliter la production et la diffusion de spectacles d’opéra dans des théâtres différents en assurant une qualité identique de l’œuvre présentée.

5Il va de soi qu’au-delà de l’utilisation par Angers Nantes Opéra, cet outil a vocation à être appliqué dans toute sorte de théâtres et salles de spectacle, pas uniquement pour de l’opéra, mais pour tout type de spectacle vivant, voire de l’événementiel.

6Il s’agit concrètement de définir et de proposer une méthodologie générale et des outils informatiques et numériques d’assistance à la conception et à l’étude technique, notamment pour ce qui concerne la spatialisation des projets de spectacle.

  • 1 Accompagnée d’une lecture de l’œuvre, cet outil permettait d’œuvrer auprès des mécènes et commandit (…)

7Le projet Scénographia se place dans la continuité des habituelles maquettes de cage de scène (employées dès le XVIIIe) qui permettent la présentation et le rendu de maquettes de décor1.

8Il s’agit de réaliser des cages de scène virtuelles, permettant d’intégrer l’image numérisée d’une maquette volume de décor, afin de procéder à un certain nombre de manipulations et de vérifications, tant pour ce qui concerne le gabarit scénographique tridimensionnel de la cage de scène, que pour ce qui concerne l’équipement scénotechnique, dans une démarche statique et cinétique, sans omettre les problématiques de transport et de stockage en amont et aval de la représentation.

9Le procédé à l’étude comprend trois axes principaux :

  1. L’acquisition des données géométriques et physiques du lieu ;
  2. La numérisation des éléments de décor ;
  3. L’exploitation de la conduite du spectacle comme élément structurant de l’ensemble.

10ScénographIA renoue avec la pratique des théâtres de chambre qui fleurirent dès le XVIIIe siècle pour présenter à échelle réduite des productions lyriques ou théâtrales auprès d’un cercle de commanditaires et mécènes. Un des rares (sinon l’unique) exemplaires conservés au musée du théâtre d’Amsterdam permet de restituer les différents mécanismes de la scène actionnés, et c’est là tout le défi, par un nombre limité de manipulateurs. On y retrouve tous les effets (diaphragme des coulisses, rouleaux de mer, échappements des toiles peintes dans les cintres et coulisses, etc.) déployés par le théâtre baroque.

  • 2 Le Département Scénographie/Ensan dispose également d’une maquette historique d’un modèle de cage d (…)

11Autre exemple, le Theater Instituut Nederland présente le théâtre de chambre que le baron Hieronymus Von Slingelandt s’était construit en 1781. Magnifiquement restauré, il est doté de toute la panoplie des effets baroques pour produire tempête sur les flots, nuées, tonnerre,… Une maquette de la scène du théâtre Baroque de la Margraeve à Bayreuth présente également au public les différentes manœuvres de décors au théâtre de la Monnaie à Bruxelles2.

12Ces outils n’ont plus court et l’on s’en tient encore souvent, à l’heure du tout numérique, au support papier et aux éléments de maquette volume, peinte et « matièrée », manœuvrés à la main par le scénographe pour expliciter les changements de décor et les effets recherchés dans son projet.

L’acquisition des données géométriques et physiques du lieu

13La clé de toute la procédure est la numérisation des données impliquées dans le déroulement du spectacle. Il s’agit d’éléments statiques et mobiles (équipements scéno-techniques) de chaque théâtre. Ces éléments forment les données d’entrée pour chaque équipement, et sont consignés dans ce que l’on appelle la « fiche technique ». Celle-ci est le support technique pour chaque nouveau spectacle.

14Nous avons pu constater que les plans en possession des directeurs techniques des salles ne sont pas assez précis ou, pour être plus exact, que ces plans ne possèdent pas la précision requise pour appréhender, dans tous ses aspects, notamment tridimensionnels et dynamiques, l’ensemble de la gestion scénique d’une production avec un rendu suffisamment explicite pour la fabrication des décors, les mouvements (manœuvres) de celui-ci. De plus, le «rendu» (ou description visuelle), sensible de l’aspect du spectacle, notamment pour les non techniciens (programmateurs, décideurs,…) n’était pas possible.

15La première opération consiste donc en un relevé précis des cages de scène et de la salle. Les espaces servants rattachés, comme les accès décors, sont également relevés car il s’agit d’appréhender l’ensemble du processus : du montage au démontage/chargement des décors en passant par la représentation dans toute sa conduite à vue ou non du public.

Le nuage de points

16Dans cette phase du relevé, nous associons aux méthodes traditionnelles de lever (métré manuel, photographies), les techniques de relevé numérique in situ de cages de scène existantes afin de créer un objet source complexe et exact : le nuage de points. Quatre salles tests ont été relevées et numérisées : le Théâtre Graslin et le Grand T à Nantes, le Grand Théâtre et le Théâtre du Quai à Angers.

17La réalisation d’un relevé laser est relativement rapide. L’opérateur place un appareil qui balaiera l’espace dans toutes les directions. Les parties cachées ne seront pas saisies. Il faudra donc effectuer 8 à 16 stations pour aller prendre le lieu complètement de proche en proche et avoir suffisamment de recouvrement d’informations pour faire une reconstitution parfaite.

18Les stations sont repérées les unes par rapport aux autres avec des cibles, des sphères blanches repérées par le logiciel pilotant l’appareil. L’assemblage se fait automatiquement par consolidation des nuages successifs en un ensemble correctement géoréférencé.

  • 3 Les données bruitées sont des données contenant un certain « désordre » dans l’organisation des poi (…)

19Le relevé d’une cage de scène s’apparente autant à un ensemble architectural qu’à un site de production industrielle. La mobilité des composants scénotechniques doit également être appréhendée : course des perches assurant le levage des charges, rideaux, pont lumière, cadre de scène ajustable. C’est un lieu où règne la pénombre. La plupart des éléments (paroi, structure, serrurerie) sont teintés en noir pour ne pas interférer avec les effets lumineux. Il faut valider dans un premier temps que la réflectivité des matériaux permet d’acquérir des données qui ne sont pas trop bruitées3. La sensibilité des capteurs est appropriée sur les matériaux rencontrés sans doute aidée par l’empoussièrement ambiant…

20La première difficulté à lever reste la disponibilité des lieux. Un théâtre est constamment exploité de jour comme de nuit pendant toute la saison d’ouverture et il est difficile d’y ménager un créneau de disponibilité de quelques jours pour en effectuer le relevé. Il convient donc de valider la faisabilité d’un relevé cantonné à quelques jours. Des considérations économiques interviennent également (temps de mobilisations des équipes de relevés et des techniciens).

  • 4 Méthode dite sans contact, où l’on mesure du temps de propagation aller et retour de la lumière ent (…)

21À la faveur d’un partenariat privilégié avec Leica Geosystem, différents appareillages ont pu être testés : temps de vol4, différence de phase et différentes générations de capteurs Leica, du modèle 2500, scanstation V2 au modèle 6100.

22Une première expérience de relevé d’une cage de scène réalisée avec un capteur Leica 2500 a validé la question de la réflectivité du rayonnement Laser sur les fonds noirs des espaces scéniques et a permisde numériser les équipements scénographiques, perches, suspentes, passerelles, etc.

  • 5 Une optique fish-eye est une optique ouvrant sur un très grand angle permettant de voir une scène à (…)

23La consolidation des nuages de points réalisée par les méthodes de référencement de cibles, de calages topographiques et collage de nuage sur nuage permet d’obtenir une précision géométrique globale satisfaisante avec une marge d’erreur inférieure à 5 millimètres. Le nuage consolidé présente toutefois du bruit généré par la fusion des données des 26 stations et un total de points de 17,6 millions. Avec ce capteur la coloration des nuages de points est réalisée par alignement manuel d’un panorama équirectangulaire résultant de l’assemblage de 8 clichés avec une optique  « fish-eye5 » projetée ensuite sur le nuage de points.

24Une deuxième expérience de relevé de l’ensemble salle, cage de scène et coulisses, réalisée avec un scanstation V2 Leica confirme la faisabilité du relevé sur des matériaux de couleur noire et présente l’avantage d’une plus grande souplesse d’utilisation par son fonctionnement rotatif permettant la numérisation d’un dôme complet et limite ainsi le nombre de stations et le risque d’erreur dans l’objectif constaté d’améliorer la qualité d’ensemble du nuage de points. La coloration du nuage de points peut être réalisée soit automatiquement à partir des multi images saisies par le capteur, d’abord par prise de vue indépendante depuis la position rigoureusement identique du centre capteur photo et du centre optique du scanneur puis l’alignement manuel de la projection cubique.

25L’avantage de la saisie automatique est la visualisation immédiate de la qualité de la coloration des points, l’inconvénient est la difficulté de moyenner la qualité lumineuse de l’ensemble du panorama.

26Le bénéfice de la prise de clichés indépendants est la meilleure qualité photographique, résolution, contraste, etc. Le désavantage est un résultat analysé a posteriori au risque de rendre inexploitable le panorama. La consolidation des nuages de points réalisée par la méthode de référencement de cibles, permet d’obtenir une précision géométrique globale satisfaisante RMS 1 millimètre. Le nuage consolidé présente moins de bruit généré par la fusion des données des 17 stations et un total de points de 35.6 millions.

27La fosse d’orchestre peut poser des contraintes particulières, relatives à l’accès du dispositif et à son encombrement. Des relevés sont alors réalisés avec la fosse d’orchestre en place, sièges repliés, avec une ou plusieurs stations selon la forme et le niveau de définition de la salle.AgrandirOriginal (png, 95k)

Figure 1. Mise en place du laser

28Le relevé laser produit ainsi un nuage de points très détaillé avec une résolution approchant le millimètre. Il se présente, en effet, sous la forme d’une base de données contenant plusieurs millions de point référencés en coordonnées spatiales et colorimétriques. Une méthode de modélisation numérique à partir de ce nuage de points doit donc être élaborée, afin d’obtenir autant de modèles numériques analytiques particuliers que nécessaire, selon les besoins (espace, mécanique scénique, lumière par exemple). Il s’agit en quelque sorte de constituer des calques numériques tridimensionnels et, manipulables.AgrandirOriginal (jpeg, 12k)

Figure 2. Nuage de points

Du nuage à la surface

29En dehors de l’industrie pétrochimique où ces techniques de balayage laser sont couramment mobilisées pour relever l’enchevêtrement des tuyauteries des raffineries, il n’existe pour l’heure pas d’outils pour faciliter et automatiser ce passage des données brutes du relevé laser à un modèle géométrique fonctionnel dans le domaine intéressant Scenographia. La modélisation consiste à relier chaque point pour obtenir une surface continue. Cette surface est faite de triangles. Ces triangles, extrêmement nombreux sont alors rassemblés en « méta-triangles ». Bien entendu, chaque point est mesuré à son emplacement exact. Le supprimer pour simplifier le modèle et déterminer une position moyenne induit une légère erreur (millimétrique). L’enjeu est donc de gérer la précision réelle par rapport à la précision utile.AgrandirOriginal (jpeg, 4,0k)AgrandirOriginal (jpeg, 8,0k)AgrandirOriginal (jpeg, 8,0k)AgrandirOriginal (jpeg, 4,0k)

Figure 3. Réduction du maillage

30Une des premières difficultés dans l’exploitation du nuage de points est la discrimination de l’information. Divers objets encombrent la cage de scène et de nombreux obstacles masquent l’information pertinente.

31Aucune procédure automatique n’est en mesure de le traiter.

32Une première opération consiste donc à décomposer le nuage en sous parties dans lesquelles il sera plus facile d’exploiter les informations puis de travailler avec. Plusieurs outils ont été testés pour ces tâches. Le logiciel Autocad depuis la version 2011, intègre en base les outils d’importation et de visualisation des gros volumes de points produits par les levers laser. Cela offre une alternative à des outils dédiés tels que Cyclone ou 3DReshaper.

33D’autres outils économiques ou gratuits ont été testés VrMesh, PointTool, Meshlab, etc.

34D’une interface facile à prendre en main, VRMesh propose des outils puissants (traitement de nuages jusqu’à un milliard de points), la création automatique de modèles précis à partir des données de balayage des pièces physiques. Comme dans Cyclone, il s’agit là de détecter des formes régulières et de les générer automatiquement.

35Le travail commence par une décimation avancée du nuage de points qui élimine une partie de l’information par calcul de proximité des points. Ensuite, des algorithmes de débruitage éliminent les informations parasitaires.AgrandirOriginal (jpeg, 12k)AgrandirOriginal (jpeg, 16k)

Figure 4. Conversion du nuage de points en maillage

36Selon le type de scanner, on remarque en effet des points isolés visiblement indépendants des surfaces relevées. VrMesh constitue une base de données. Cette base gère l’affichage à l’écran, discriminant le nombre de points présents et permet surtout d’établir des sous-groupes de travail. Dans le cas des théâtres, l’information est tellement importante et hétérogène que le nuage ne peut être traité dans son intégralité.

37Il faut donc découper des tranches, les plus fines possible, isolant les parois, les éléments scénotechniques et les dispositifs mobiliers de la salle. Aucun de ces derniers ne peut être négligé tant chaque mètre cube de la cage de scène est utilisé et qu’un relief aussi modeste qu’un boîtier électrique peut compromettre le mouvement d’un décor ou son implantation au plateau.

38VrMesh possède des fonctions de triangulation automatiques et précises du nuage de points en mailles. Cela se fait avec une préservation globale du maillage autorisant l’annulation des opérations et le test de différentes solutions de raffinement.AgrandirOriginal (jpeg, 16k)AgrandirOriginal (jpeg, 12k)

Figure 5. Maillage redessiné dans Sketchup

39Des outils de réparation de maillage permettent de lisser certaines parties, de fusionner des triangles, de boucher des trous ou d’orienter correctement les faces. Toutefois, si puissantes que soient ces fonctions, leur conjonction ne peut aboutir à un maillage tel qu’attendu pour une exploitation de la géométrie : à savoir un maillage quadrangle, régulier et orienté selon les axes X Y Z.

40La seconde technique de modélisation cherchera plutôt à redessiner sur les points existants, les utilisant comme supports. Ainsi que cela est visible dans la figure 5, le maillage est si dense qu’il ressemble à des surfaces. Le problème du relevé laser est qu’il prend tout ce qui est sur le lieu au moment du relevé : câbles posés au sol, boites et caisses diverses. L’automatisation de la mise au propre ne peut dès lors être envisagée puisqu’un « nettoyage » des informations est à effectuer.

41Le travail de saisie à la main permet de discriminer l’information, d’écarter de qui n’est que du mobilier et surtout de commencer à hiérarchiser l’information et l’organiser en catégories fonctionnelles et techniques.

La question des perches

42La cage de scène est une machinerie savante engageant la géométrie des objets mais également leur comportement en situation de manœuvres. Le relevé doit donc prendre en considération les mouvements qu’ils effectueront. La question des perches, ce sont ces tubes métalliques auxquels sont suspendus décors et appareils d’éclairage, est une des plus importantes. Il a été noté que les perches pouvaient sensiblement se déformer avec le temps et les charges auxquelles elles sont soumises.

43Lors du relevé laser, les perches sont chargées, c’est-à-dire descendues au niveau le plus bas, quasi sur scène, à la hauteur à laquelle on réalise les accroches, et laissées au repos durant une nuit. L’oscillation due à la manœuvre peut durer de nombreuses heures et fausser les mesures.AgrandirOriginal (jpeg, 16k)

Figure 6. Les perches : des déformations importantes sont relevées

  • 6 Building Information Modeling ou Building Information Model ou encore Modèle d’information unique d (…)

44Au terme du traitement géométrique, la cage de scène est prête à être utilisée pour la conception et l’exploitation d’un spectacle. Le lieu est décrit en trois dimensions, chaque élément scéno-technique est référencé. Dans un développement ultérieur, la géométrie sera directement associée à des comportements (à l’exemple de ce qui se fait en architecture avec les BIM (Building Information Modeling6)). Ainsi en interrogeant une perche, il sera possible d’avoir immédiatement sa charge admissible maximum, ses dimensions, sa date de mise en place, sa déformation, etc…AgrandirOriginal (jpeg, 20k)AgrandirOriginal (jpeg, 16k)

Figure 7. Modélisation complète

45A terme, c’est donc bien un processus de gestion qui accompagne celui de relevé des équipements.

La numérisation des décors

46La numérisation des décors compose l’autre volet du travail. Dans le cadre d’une co-production, comme cela arrive de plus en plus, le décor devra être adapté à différents lieux. Cela implique une stratégie de conception et de fabrication très tôt dans le processus et ce, en cohérence avec un objectif artistique.

47En effet, le volume de la cage de scène varie d’un théâtre à l’autre, l’âge des éléments scénotechniques, l’accès à la cage de scène et les modalités de transports sont autant de paramètres à prendre en compte. Le plus souvent, le scénographe met à disposition des maquettes, très précises. Toutefois, ces maquettes sont autant d’éléments disparates qu’il s’agit d’implanter sur le plateau. Le directeur technique va alors proposer une démarche de réalisation comprenant un nombre considérable de paramètres incluant sa connaissance des différents lieux, le budget de production, l’impact visuel, la montabilité/démontabilité, le transport et, problématique souvent majeure, l’interaction entre le jeu des acteurs et le décor. Par exemple, les changements de décor à vue, c’est-à-dire face au public, imposent des contraintes de transportabilité, de non visibilité des machinistes et de silence des moteurs aidant au déplacement.

48La numérisation des décors au stade de la maquette d’étude ou de l’esquisse papier offre la possibilité de tester le résultat attendu sur la scène qui accueillera le spectacle. Bien des scénographes expérimentés feront l’économie de cette étape pour anticiper les effets qu’ils attendent. Néanmoins, cette étape est importante pour le directeur technique, les programmateurs et les techniciens impliqués. A l’exemple de ce l’on constate en architecture ou au cinéma, la visualisation, le plus tôt possible, des choix artistiques relève aussi bien de l’anticipation des éventuels problèmes à venir que de la communication au sein de l’équipe.

49Plusieurs techniques sont disponibles suivant le type de support de base (dessin ou maquette) et suivant la nature de l’objet : géométrie régulière ou surfaces organiques.AgrandirOriginal (jpeg, 12k)AgrandirOriginal (jpeg, 12k)

Figure 8. Sources utilisées : maquettes et dessins

50Pour les surfaces régulières et discontinues, les outils de modélisation classiques sont parfaitement appropriés. L’acquisition des données peut se faire soit à partir de photos (photomodélisation), soit par mesures à partir de l’objet ou du dessin.

51La photomodélisation fonctionne de deux façons différentes. Première technique, on effectue une série de photos sous différents faces de l’objet voulu et le logiciel reconstitue le volume en fonction des vues. Le logiciel est guidé en lui indiquant des points clés de recouvrement ainsi que les caractéristiques des appareils photos (focale). Seconde technique, on utilise une ou plusieurs photos comme support géométrique. Il faut ensuite dessiner sur la photographie dans la perspective de la photographie originale.AgrandirOriginal (png, 62k)AgrandirOriginal (png, 77k)AgrandirOriginal (png, 58k)AgrandirOriginal (png, 53k)

Figure 9. Deux techniques de photomodélisation, automatique et assistée

52Pour des formes à surfaces continues ou formes organiques, le laser est une solution plus adaptée. Les surfaces organiques sont des formes à surface continue, sans angles. Cela signifie que la prise de mesure est plus complexe. On trouve des surfaces continues sur des sculptures telles que la Vénus de Milo, du mobilier de type Art Nouveau…AgrandirOriginal (png, 38k)AgrandirOriginal (png, 42k)AgrandirOriginal (png, 29k)AgrandirOriginal (png, 25k)

Figure 10. Relevé laser d’une statuette

53Pour ce faire, un laser de poche de moins de 200€ associé à une Webcam et un logiciel pour un budget de moins de 500€ convient tout à fait. Il est à noter que les techniques de relevé laser s’accordent mal de la couleur noire (très fréquente dans le spectacle), des transparences et des reflets. Malgré tout, des solutions comme le poudrage des objets, permettent de contourner ces obstacles.

54Tous les éléments de décors sont saisis et organisés dans des fichiers séparés ; ils seront ensuite assemblés dans un fichier qui préparera le travail scénographique.AgrandirOriginal (jpeg, 12k)AgrandirOriginal (jpeg, 16k)

Figure 11. Pièces de décor numérisées

55Nous avons, lors de notre travail de mise au point, été confrontés à différents cas de figure devant régler des questions fort différentes les unes des autres. Pour Tristan et Iseult de Wagner, le décor se présente sous la forme de modules qui s’assemblent pour former un balcon ou un bateau. Ces modules teintés en noir, manœuvrés à vue, translatent au cadre en continu comme la pellicule d’un film projetée au ralenti. L’emprise de chaque tableau sur les différents cadres de scènes, la capacité du plateau à libérer les surfaces utiles pour ce savant jeu de taquin entre les modules constituent les points clefs à valider dans la coproduction.AgrandirOriginal (jpeg, 12k)

Figure 12. Photo du rendu de Tristan et Iseult (décors : Pierre-André Weitz)AgrandirOriginal (jpeg, 12k)

Figure 13. Assemblage virtuel des éléments de décor

56Dans le cas de ce spectacle, la contrainte était encore aggravée par la présence d’un large plan d’eau sur le plateau, tributaire de sa parfaite planéité.

57Dans le cas du Barbier de Séville de Rossini, le décor manœuvré principalement sur chariot était lui aussi imposant, mais son assemblage présentait plus de liberté. La demande était assez proche de la précédente en regard de l’encombrement et de la cinétique des objets, tout en faisant appel au levage dans les cintres. Cette pièce a fait l’objet du premier test dans les contraintes de mise en place du spectacle.AgrandirOriginal (jpeg, 12k)

Figure 14. Maquette virtuelle d’un des tableaux du Barbier de Séville avec parties non visibles, la cage de scène est retirée (décors : Jacques Gabel)AgrandirOriginal (jpeg, 12k)

Figure 15. La cage de scène est replacée, en transparence, afin de montrer ce que l’on voit de la salle en comparaison avec ce qui est en attente de jeu dans les cintres et coulisses.

58Le troisième exemple, concerne Falstaff de Verdi, il s’est agi ici de vérifier des angles de visibilité pour un décor installé sur un plateau tournant (une tournette). La contrainte était de préserver les faces cachées à la vue du public et de masquer également les techniciens chargés d’animer les évolutions de ce décor.

59Les maquettes de Christian Fenouillat ont été soigneusement modélisées et installées sur un plateau virtuel à partir duquel ont été effectués les tests.AgrandirOriginal (jpeg, 8,0k)

Figure 16. La tournette de Falstaff (décors :Christian Fenouillat)AgrandirOriginal (jpeg, 8,0k)

Figure 17. Autre point de vue

60Ainsi le voit-on, comme dans toute démarche de projet, l’étape de définition en vient peu à peu à formaliser des questions toujours plus précises de volumétrie, de déplacement, de visibilité. A ces questions, s’attachent naturellement des questions de couts, de faisabilité, de gestion temporelle.

61Il restait toutefois à articuler une approche géométrique du problème de la mise en place d’un spectacle et une approche artistique basée sur une temporalité fragmentée.

Gérer virtuellement un spectacle par sa conduite

62L’outil Scénographia doit résoudre une équation comportant de nombreux termes : comment adapter un spectacle d’un lieu à l’autre tout en maintenant cohérence et unité visuelle dans une temporalité extrêmement contrainte par la partition musicale. Nous l’avons vu dans la première partie, des éléments fixes et mobiles sont impliqués (l’architecture de la cage de scène, ses dispositifs scéno-techniques, tous appartenant au lieu recevant le spectacle, le décor, les accessoires appartenant eux au spectacle et pouvant être créés pour l’occasion, reste enfin la question de la lumière et éventuellement du son).

63Les éléments scéno-techniques et les décors peuvent être mobiles ; cela introduit donc une notion de temporalité dans les données d’entrée à prendre en compte. Les objets se déplacent avec des principes de contraintes induites : un pendrillon (élément de velours noir destiné à masquer une partie des coulisses) se meut parce qu’il est actionné par une perche, ce n’est pas un objet autonome. La perche elle-même est accrochée à un assemblage dynamique associant poulies et contrepoids, parfois un moteur.

64Autre contrainte dynamique, les actions peuvent être simultanées, l’une après l’autre et/ou conditionnées les unes par les autres, en amorce ou en conséquence. Autant de situations qu’il faut réussir à décrire.

65La meilleure façon d’aborder cette équation a été non pas de raisonner sur les termes mais sur les liens qui unissent ces termes. La partition musicale constitue naturellement le référentiel temporel pour y noter toutes les données d’une production puisqu’elle rythme les évènements scéniques. La « conduite » du spectacle subordonne ce référentiel.

66Le terme de conduite désigne ici la notation, sur des supports divers, que nous devrons regrouper et formaliser, par les différents protagonistes d’une production (régisseur, techniciens, etc.) des actions qu’ils doivent mener à bien. La conduite décrit l’enchainement des évènements et répertorie les pièces de décor visibles ou pas par le public et les « manœuvres » (mouvements) de ceux-ci. Le suivi temporel des productions que nous avons retenu est, outre le repère temporel (fluctuant comme la mesure dans la partition ou mécanique comme le temps écoulé en seconde avant ou depuis cette mesure), une division en tableaux. Un tableau est, à l’intérieur d’une scène, d’un acte, la plus petite « unité » notée dans la « conduite » par les techniciens : un changement de tableau est un changement d’élément scénique (décor, accessoire). Les intervalles entre les tableaux (changement à vue ou pas du public) sont également pris en compte puisqu’ils conditionnent le déroulement du spectacle sur le plan scéno-technique : rapides comme un « précipité » ou, à l’entracte par exemple, plus complexe et mobilisant une armée de techniciens sur le plateau à la manœuvre d’éléments de décors lourds et volumineux.

67Si les expériences que nous menons concernent l’opéra, la conduite structure l’ensemble des spectacles vivants en ce qu’elle est la structure temporelle. Elle harmonise les actions, les synchronise et donne à chacun des intervenants sa place par rapport au spectacle et sa place par rapport aux autres. Au théâtre, le texte se substitue à la partition pour fournir une armature temporelle plus élastique encore.

68Pour le projet Scénographia, la conduite est enrichie d’actants impliquant la manipulation des décors sur le plateau. Cela peut être la place et le nombre de machinistes, la place et le nombre des figurants, la disposition éventuellement d’une loge de maquillage ou de changement de costume.

69La conduite devient dès lors un protocole extrêmement normalisé puisqu’elle va commander tout ce qui va se dérouler ensuite.AgrandirOriginal (jpeg, 8,0k)

Figure 18-exemple de conduite

Attacher la géométrie virtuelle à la conduite

70Si la conduite constitue le liant et la structure du déroulé du spectacle, il faut, très concrètement, attacher chaque item décrit sémantiquement dans la conduite à un objet géométrique virtuel modélisé par ailleurs. L’idée étant qu’en ouvrant le fichier de la conduite, tous les éléments scéno-techniques et de décor se mettent en place tous seuls.

71Le premier temps se passe dans le logiciel de modélisation. Chaque objet est nommé, décrit, placé dans un calque qui lui-même est nommé. Les développements en cours permettront également de déterminer une masse, un quantitatif utile au chiffrage et un processus de montage.AgrandirOriginal (jpeg, 12k)

Figure 19-description sémantique de la géométrie 3D

72La géométrie est enregistrée en créant d’une part les volumes dans un format numérique et d’autre part un tableau de type Excel contenant la description de chaque objet.AgrandirOriginal (jpeg, 8,0k)

Figure 20-extrait du tableau descriptif

73La seule contrainte est d’utiliser strictement les mêmes noms dans la conduite que dans l’édition de la géométrie.AgrandirOriginal (jpeg, 12k)

Figure 21-géométrie attachée la base de données

La gestion de la temporalité

74La conduite décrit des actions enchainées dans le temps. Elles peuvent être enchainées, superposées et/ou conditionnées les unes les autres. Le modèle le plus approprié pour décrire cette richesse de configuration est le diagramme de Gantt, utilisé couramment dans la planification de chantier.

75Le diagramme de Gantt se présente sous la forme d’une liste de tâches mises en relation avec une temporalité. Chaque action est décrite par un vecteur indiquant la durée. Les actions peuvent être groupées en blocs logiques fonctionnant ensembles.AgrandirOriginal (jpeg, 8,0k)

Figure 22-la conduite attachée à un diagramme de Gantt intégrant la temporalité

76La question de la temporalité a des incidences importantes. Idéalement, il faudrait pouvoir suivre le déroulé du spectacle dans sa totalité avec l’édition de la musique, du jeu des comédiens et les mouvements des décors.

77Or, la partition musicale, qui régit le rythme et l’enchainement des évènements sur la scène, est interprétée, autrement dit, subit des variations sensibles de vitesse. Ces variations, d’essence artistique, s’accordent mal avec la restitution métronomique d’un ordinateur.

78Il faut donc accorder un temps variable avec un temps régulier, ce dernier étant nécessaire pour les amorces d’actions par exemple. Le temps peut être mesuré de deux façons :

  • le découpage régulier (comme un film 24 images par seconde), sur chaque image il y a une fraction de temps on peut penser aux chronophotographies de Jules Marey par exemple.
    • 7 Les animateurs séniors travaillent sur les poses clés, à savoir les temps forts de l’animation, sur (…)
    le découpage par moment clé : on ne prend que les moments signifiants, ceux signalant le départ et la fin d’une action avec éventuellement un moment intermédiaire s’il s’avère important. C’est que l’on retrouve dans les story-boards ou les dessins produits par les animateurs séniors avant que les « intervallistes» interviennent7.

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Figure 23. La marche, découpage régulier selon E.-J. MareyAgrandirOriginal (jpeg, 12k)

Figure 24. La marche et ses phases selon Richard Williams

79On retrouve ici les conceptions de représentation du temps en discret et continu. Le découpage discret décrit des intervalles signifiants, le découpage continu des intervalles réguliers. Il convient donc de basculer sur un mode de représentation par moment clé (discrets) durant lesquels se place un évènement saillant.AgrandirOriginal (png, 17k)AgrandirOriginal (png, 18k)

Figure 25. Temps continu – temps discret

80Un évènement saillant possède une amorce, un développement, un point d’inflexion et une redescente. Pour effectuer cet évènement, il y a une force principale et lue comme telle et des forces d’accompagnement qui contribuent (mais aussi parfois en opposition, en décalage de phase ou en retard) à la création de ce moment. Cet ensemble forme un bloc logique que l’on peut décrire : par exemple une apparition.

81Les tableaux, inscrits dans la conduite, expriment une partie de ces saillances, celles concernant les changements de décor. L’autre partie concerne les effets et particulièrement les effets lumineux (et sonores). Une extension du propos chercherait ensuite à intégrer le jeu des comédiens. Ce sont des considérations qui seront intégrées progressivement à l’évolution de Scénographia. Elles viendront après les développements liés aux stratégies de montages et installation du décor sur le plateau.AgrandirOriginal (png, 19k)

Figure 26. Tableau, vision du publicAgrandirOriginal (png, 19k)

Figure 27. Tableau, vue de travail

82Le déplacement des acteurs, les jeux d’appareils, les animations des objets ou pièces de décors renvoient donc directement aux réflexions de Bergson sur l’espace et le mouvement. Dans le cadre d’une partition scénographique, telle que l’on pourrait nommer la conduite, il serait naturel de reconstituer l’espace parcouru par les acteurs ou objets comme une succession de position dans l’espace ou d’instants dans le temps.

83Or, sans aller jusqu’au paradoxe de Zénon, on se trouve dans cet espace infiniment divisible, fractal, à devoir choisir une unité élémentaire qui sera de toute façon mauvaise. La minute, la seconde, la demi-seconde ? A chaque fraction correspondra une sous fraction porteuse d’informations.

84Les coupes régulières ne font que manquer l’information qui se glissera dans l’interstice. Un autre problème qui se pose est celui de la correspondance absolue des positions dans l’espace et des instants dans le temps. D’une représentation à l’autre, ces intersections d’espace et de temps fluctuent légèrement rendant à chaque spectacle une valeur d’unicité. C’est là le défi soulevé pour la régie de spectacle contemporaine, où les éléments de reprise de contrôle manuel doivent pouvoir être ménagés et croisés dans l’enchaînement de plus en plus complexe et automatisé des conduites de la machinerie, de la lumière, du son, de la vidéo et autres appendices supports d’interaction avec le jeu. C’est le défi relevé par le projet Virage8 qui s’attache à constituer une plateforme d’outils logiciels et des protocoles offrant de nouvelles interfaces de contrôle et d’écriture pour la création artistique et les industries culturelles. ScénographIA s’ingénie également à maîtriser l’ordonnancement, et le pilotage de ces processus dans le spectacle vivant en amont et en aval de la représentation et du jeu en facilitant le montage des co-productions.

85C’est en se concentrant sur l’élément de décor, qui constitue ici l’objet structurant de la conduite, que s’articulent les autres départements création de la pièce. L’objectif est en effet aussi et surtout de prendre en compte l’économie du spectacle. En amont (pré-production), il faut anticiper les contraintes d’adaptation où différents lieux de représentation puis en post-production, il s’agit d’envisager l’archivage de la partie technique et de la partie logistique. Ainsi, des traces tangibles faciliteront la re-présentation future du spectacle en complétant la création du dossier de production, épais documents de plusieurs centaines de pages, recueil exhaustif de la logistique nécessaire à la préparation et au redéploiement du spectacle.

L’adaptation du spectacle en différents lieux

86La conduite, structurée en temps discret, décrit ce que contiennent le spectacle et l’évolution des tableaux au cours de la représentation. Les tableaux doivent être adaptés à chaque équipement tout en préservant l’image produite.AgrandirOriginal (jpeg, 8,0k)

Figure 28. Implantation d’un même tableau en trois lieux

Figure 29-vérification en volumes

87Or, les rapports scène-salle déterminant la distribution de l’auditoire vis-à-vis du cadre varient et les cages de scène sont d’accès et de proportions fort différentes. Scénographia aide à solutionner cette question.

88Avec la conduite importée dans le logiciel et contenant un pré positionnement des objets, les tests visant à trouver les meilleurs arrangements sont accélérés. L’ensemble des décors placés en fonction des tableaux est importé d’un clic de souris, ce qui facilite les premières adaptations à la trame des points de levage conditionnée par la position des perches.

89Les perches forment une succession de plans parallèles très denses (sur un pas minimum de 25 cm), pas toujours régulière qui induit le positionnement des objets sur le plateau. Pour diverses raisons, nature de la perche (charge maximale utile, motorisation, spécialisation pour l’éclairage scénique…), positionnement des projecteurs, possibilité de manœuvres, la transposition littérale n’est pas possible.

Agrandir Original (jpeg, 4,0k)Grand T
Agrandir Original (jpeg, 4,0k)Massy
Agrandir Original (jpeg, 4,0k)Le QuaiFigure 30. Différence de répartition, de nombre et de densités pour les perches de trois cages
  • 9 L’utilisateur, par retour kinesthésique, expérimente, dans la manipulation de sa souris, un effet d (…)

90Pour repositionner le décor, il faut deux indications importantes : le point d’accroche de l’objet et la position de la perche. Il faut donc pouvoir renseigner ces deux items : où et comment se suspend un objet, existe-t-il un œillet ou plusieurs, des renforts. Ensuite, il faut vérifier que l’objet en question est bien à l’aplomb d’une perche. Ensuite, le logiciel fonctionne par « résistance9 » indiquant qu’un point d’accroche est possible.AgrandirOriginal (jpeg, 8,0k)

Figure 31. Les points d’accroches des pendrillons

91En possédant une librairie de cages de scène, préparées dans Scénographia, les scénographes et directeurs techniques auront toutes les informations nécessaires pour établir une première évaluation des possibilités d’installation. Avec les vraies proportions des salles, des cages de scènes, la position et les caractéristiques des perches et éléments d’accroche, ils pourront rapidement déterminer les potentialités et modifications éventuelles à opérer pour créer ou transposer un spectacle.

Perspectives et développements

92La conceptualisation et la notation des tableaux doivent être encore approfondies dans la prise en compte des effets et de la mise en relation de la partie technique et artistique. Scénographia a induit en parallèle la constitution d’un vocabulaire de la scène actualisé, indexé selon différentes entrées, illustré de graphiques et de photographies. Il est mis en ligne sur Internet sur une plateforme collaborative nommée Vocascene ouverte au public10. Il fallait que l’ensemble des partenaires du projet partage le même langage pour décrire les objets et actions conditionnant le déroulement d’un spectacle.

93Ce vocabulaire de la scène présente de façon alphabétique tous les termes relatifs à l’architecture, la scénographie et la scéno-technique ainsi qu’à la production d’un spectacle (Espace, Machinerie, Lumière et éclairage, Acoustique et son, Projection et images, Décor et accessoires, Manœuvres et manipulations, Professions et métiers, Phasage et planification d’un spectacle).Chacun des termes de ce vocabulaire obéit à la présentation suivante : Terme-Synonymes-Antonyme-Traduction anglaise./ Définition synthétique-Définition analytique-Définition fonctionnelle. A terme, il pourrait constituer une plate-forme utile pour la connaissance des métiers et pratiques de la scène en voie de mutation comme celui de cintrier.

94Scénographia en outre a une dimension patrimoniale dans sa partie exploration et préservation des techniques (relevé des lieux scéniques; archivage et restitution des scénographies de spectacles passés). C’est également un support de formation, d’expérimentation et d’aide à l’exploitation (transfert d’un spectacle d’un équipement à l’autre). Novateur et prospectif dans sa partie instrumentale et technologique, c’est enfin un projet qui doit rejaillir à terme sur la pratique du design d’espace en lui donnant accès aux outils de pointe de la création théâtrale.

Utopie… ?

  • 11 « excentrique mécanique »
  • 12 Elodie Vitale, Le Bauhaus de Weimar (1919-1925), Mardaga, 1995

95Le théâtre de l’avenir ou théâtre utopique total bouleverse le rapport au spectateur en cherchant à introduire de nouveaux moyens techniques pour la scène. Moholy-Nagy proposait, dans le cahier n°4 des Bauhaus Bücher, la « Mechanische Exzentrik11 » convoquant divers effets de surprise comme des projections de lumières créant des réactions colorées, des actionnements mécaniques, de la musique mécanique et même des odeurs12.

  • 13 Farkas Molnar, Die Bühne im Bauhaus, Gebrüder Mann Verlag, reed. 2003
  • 14 Voir Marcel Freydefont, « Les contours d’un théâtre immersif », revue Agôn, dossier n°3 Utopies de (…)

96L’architecte Farkas Molnar dans son ouvrage « Die Bühne im Bauhaus13 » esquisse le projet, lui aussi qualifié comme utopique d’un théâtre en U comprenant, comme celui de Moholy-Nagy, plusieurs scènes pour constituer un « espace théâtral » total. Ces projets, séduisant et extrêmement stimulants, trouvent des échos lointains dans les espaces interactifs présents dans les parcs à thème et dans les expériences immersives14.

  • 15 Lothar Schreyer (1886-1966) a été avec Oskar Schlemmer (1888-1943) l’un des puissants rénovateurs d (…)

97Comme le voulait Schreyer15, l’idée est d’amener le spectateur à « l’extase » par une action « psychophysique » qui se construit par la sidération que produit l’accumulation des effets. Gropius reprendra ces principes dans son projet de théâtre total en tentant de rendre possibles et réalisables les propositions des ses collègues du Bauhaus.

98Cette utopie théâtrale, passe par une maîtrise forte de l’implication technique de la préparation de l’œuvre. La fabrication d’un spectacle demande un grand nombre de compétences, qui se croisent, interagissent et se succèdent. Chaque métier porte sa tradition, son vocabulaire, ses pratiques. On peut regarder cela comme une structure autoorganisée ou comme la résolution permanente de conflits. La résolution des conflits étant une forme de production de l’artistique étant entendu que « l’état d’équilibre » qui pourrait paraître pour un objectif, ne serait qu’un état de mort à opposer au spectacle vivant.

  • 16 Nelson Goodman, Langages de l’art, Ed. J. Chambon, 1990, 314 p.

99Si nous sommes partis du théâtre utopique allemand pour lancer ScénographIA, en tant qu’expérience totale, il nous a semblé important de glisser une étape intermédiaire qui se résumerait en la recherche d’une notation des mouvements pour une représentation. Cette idée de notation, irriguée par les travaux de Goodman16, cherche à embrasser tous les éléments constituant un spectacle, y compris, le transport, le montage et démontage. Cette notation ouvre dès lors une possibilité de conservation, d’archivage et de transfert, bien plus complet que ne peuvent l’être un jeu de plans, une série de photos et une bande vidéo.

  • 17 Grammaire de l’Art de la Danse.

100La notation du mouvement possède une longue histoire. De l’image arrêtée, que l’on va trouver en peinture chez Monet ou Homer par exemple, à la tentation cinétique des futuristes comme Ballat, nombre de solutions sont proposées. Capturer l’instant doit pouvoir aussi ouvrir la possiblité de le reproduire, de refaire à l’identique un geste, un pas. Raoul-Augier Feuillet (1660-1710), bien avant Laban a dessiné ainsi une « table des pirouettes » qui sera ensuite utilisée jusqu’en Angleterre. Peu avant Laban, Zorn avait proposé une «  grammatik der tanzkunst17 » associant partition et gestuelle stylisée.AgrandirOriginal (jpeg, 13k)

Figure 32. Friedrich Albert Zorn, La Cachucha

101Flèches, courbes, vecteurs, ubiquité, duplication, vont être les combinaisons trouvées pour décrire les différents états des objets, personnes et effets dans le temps. Les notations sont nombreuses et se démultiplient en autant de pratiques et métiers concernés. Les deux grandes familles que l’on va voir pour la scène sont d’une part la partition musicale, les tableaux des décorateurs et d’autre part, les conduites numériques liées au développement de l’informatique dans le pilotage des lumières et parfois des perches.

  • 18 Nelson Goodman, op.cit
  • 19 Nelson Goodman, C. Z. Elgin, Reconceptions en philosophie, Paris, PUF, 1994.
  • 20 Op. cit. p. 32.

102Nelson Goodman, dans deux chapitres importants, l’un dans les « Langages de l’art18 » et l’autre dans les « Reconceptions en philosophie19 », pense qu’un langage de l’architecture n’existe pas réellement. Les arguments sont les suivants : « les œuvres architecturales ne dénotent pas20 » et, mis à part quelques cas isolés comme les baraques de marchands de hot-dogs en forme de hot-dog, il n’existe pas réellement de relation évidente, non conventionnelle, entre la forme et la fonction. La scénographie entretient un rapport tendu avec la question de la dénotation. De la transposition d’un intérieur bourgeois à l’assèchement d’un Appia, de nombreuses formalisations enrichissent, à chaque proposition, un vocabulaire conceptuel important.

  • 21 Paul Ricoeur, La métaphore vive, métaphore et référence, Paris, éditions du Seuil, 1975, pp. 273-32 (…)

103Dénoter signifie qu’un objet (généralement c’est un mot) porte un sens et un seul. Goodman remarque que les enseignes dénotent, mais qu’elles ne sont que les parties saillantes d’un bâtiment. La scénographie, en revanche, a le pouvoir d’utiliser la métaphore. C’est une idée que présente globalement Ricoeur21 et dont Goodman s’empare pour établir les siennes. La métaphore, c’est le chantier proposé par le scénographe Jacques Gabel, dans le Barbier de Séville, qui exprimera l’état chaotique des sentiments.

104Mais s’il n’existe pas forcément de dénotation dans le décor lui-même, il existe un lien tendu entre le texte et l’environnement dans lequel il est produit. C’est le rapport texte/scénographie qui aidera à la dénotation et à partir duquel pourront s’appuyer les effets que nous relevons pour la conduite dans un système de « patterns » ou dans le langage consacré : de tableaux.

105Le projet ScénographIA s’inscrit-il dans une démarche techno-utopique ? Le XIXème siècle s’est construit sur l’idée que la science parviendrait à mettre en équation et donc finalement résoudre toutes les questions de la nature et de l’humain. Le territoire organisé en monde idéal parce qu’harmonieux, cède la place à un monde connu parce que représentable.

  • 22 George L. Mosse, De la Grande Guerre au totalitarisme : La brutalisation des sociétés européennes(…)
  • 23 James Gleick, La théorie du chaos : Vers une nouvelle science, Paris, Flammarion, 2008 édition revu (…)

106Mais cette conception subit le désenchantement et l’ensauvagement22 de la première guerre mondiale et les découvertes de Pointcarré préfigurant ce que deviendront les théories du chaos23. Les lois d’organisation de la nature apparaissent plus complexes et le phénomène, que chacun connait sous le nom d’effet papillon, prend une brutale réalité avec la crise de 29 et ses conséquences induites.

107La reprise des Trente glorieuses fait un peu oublier ces sombres équations, pourtant présentes dans la conception de l’arme atomique et les recherches météorologiques. La science glorieuse reprend ses droits offrant à chacun, une utopie de bonheur consumériste infini pour les uns, égalitariste pour les autres. Mais le tournant du millénaire fait un rappel brutal aux réalités chaotiques, des effets induits de la pollution massive aux spéculations boursières.

108Pour le spectacle vivant, la technologie doit être subordonnée à l’effet de présence, au contact qui s’établit entre un artiste et son audience. Un logiciel visant à comprendre et structurer le vivant a les mêmes chances de réussite que l’utopie scientiste du XIXème. Le spectacle peut être considéré comme chaotique en ce qu’il ne reproduit jamais précisément les mêmes effets au même moment. Comme pour un arbre : si l’on sait comment il va pousser, on ne peut déterminer avec certitude l’emplacement exact ou l’angle des branches. Mais l’aspect final de cet arbre, unique et infiniment renouvelé contient malgré tout des figures reconnaissables, des « patterns », qui l’identifient.

109Ces « patterns » correspondent ici aux tableaux, mais fondent aussi des sous unités de ces tableaux en incluant les états de mouvement. ScénographIA travaille avec cette matière pour l’organiser mais surtout la préserver. Il faut donc être à bonne distance entre le support et le carcan. Mais l’intérêt que suscite cet outil, la façon dont il fait parler les professionnels, qu’il permet à chacun d’évoquer son (ou ses) métiers, les développements que l’on envisage en travaillant avec tous, dit que le processus menant au développement du logiciel vaut autant que ce qu’il fera. En cela, c’est bien un projet utopique.Haut de page

NOTES

1 Accompagnée d’une lecture de l’œuvre, cet outil permettait d’œuvrer auprès des mécènes et commanditaires pour recueillir les fonds nécessaires à la production d’un spectacle. Ils pouvaient également être mobilisés au sein d’un processus de création, de production, de diffusion et de tournée. Il en subsiste un remarquable exemplaire au musée du théâtre à Amsterdam doté de toutes machines à effets spéciaux.

2 Le Département Scénographie/Ensan dispose également d’une maquette historique d’un modèle de cage de scène fin XVIIIème

3 Les données bruitées sont des données contenant un certain « désordre » dans l’organisation des points, certains étant déplacés de façon chaotique ajoutant de l’information parasite, gênant l’exploitation du nuage de points.

4 Méthode dite sans contact, où l’on mesure du temps de propagation aller et retour de la lumière entre le capteur et la cible à mesurer.

5 Une optique fish-eye est une optique ouvrant sur un très grand angle permettant de voir une scène à 180°. Le résultat ressemble à la projection d’une image sur une sphère.

6 Building Information Modeling ou Building Information Model ou encore Modèle d’information unique du bâtiment (BIM) est le processus de production et la gestion des données de construction tout au long de la conception d’un bâtiment. La géométrie est informée de données la constituant, ces données restant actives et s’enrichissant au fur et à mesure de l’évolution du projet.

7 Les animateurs séniors travaillent sur les poses clés, à savoir les temps forts de l’animation, sur ce qui, dans un mouvement par exemple, donne le rythme et le sens. Les intervallistes dessinent les images intermédiaires complétant ainsi la contrainte des 24 images/seconde.

8 Projet de recherche financé par l’ANR : http://www.plateforme-virage.org/

9 L’utilisateur, par retour kinesthésique, expérimente, dans la manipulation de sa souris, un effet de blocage qui lui indique qu’une option d’accroche est possible.

10 http://vocascene.nantes.archi.fr/

11 « excentrique mécanique »

12 Elodie Vitale, Le Bauhaus de Weimar (1919-1925), Mardaga, 1995

13 Farkas Molnar, Die Bühne im Bauhaus, Gebrüder Mann Verlag, reed. 2003

14 Voir Marcel Freydefont, « Les contours d’un théâtre immersif », revue Agôn, dossier n°3 Utopies de la scène, scènes de l’utopie, 2010.

15 Lothar Schreyer (1886-1966) a été avec Oskar Schlemmer (1888-1943) l’un des puissants rénovateurs du théâtre du Bauhaus. Il fait partie des professeurs de l’école.

16 Nelson Goodman, Langages de l’art, Ed. J. Chambon, 1990, 314 p.

17 Grammaire de l’Art de la Danse.

18 Nelson Goodman, op.cit

19 Nelson Goodman, C. Z. Elgin, Reconceptions en philosophie, Paris, PUF, 1994.

20 Op. cit. p. 32.

21 Paul Ricoeur, La métaphore vive, métaphore et référence, Paris, éditions du Seuil, 1975, pp. 273-321.

22 George L. Mosse, De la Grande Guerre au totalitarisme : La brutalisation des sociétés européennes, Hachette Littératures, 2009

23 James Gleick, La théorie du chaos : Vers une nouvelle science, Paris, Flammarion, 2008 édition revue et corrigée.Haut de page

TABLE DES ILLUSTRATIONS

LégendeFigure 1. Mise en place du laser
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LégendeFigure 2. Nuage de points
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LégendeFigure 3. Réduction du maillage
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LégendeFigure 4. Conversion du nuage de points en maillage
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LégendeFigure 5. Maillage redessiné dans Sketchup
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LégendeFigure 6. Les perches : des déformations importantes sont relevées
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LégendeFigure 7. Modélisation complète
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LégendeFigure 8. Sources utilisées : maquettes et dessins
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LégendeFigure 9. Deux techniques de photomodélisation, automatique et assistée
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LégendeFigure 10. Relevé laser d’une statuette
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LégendeFigure 11. Pièces de décor numérisées
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LégendeFigure 12. Photo du rendu de Tristan et Iseult (décors : Pierre-André Weitz)
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LégendeFigure 13. Assemblage virtuel des éléments de décor
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LégendeFigure 14. Maquette virtuelle d’un des tableaux du Barbier de Séville avec parties non visibles, la cage de scène est retirée (décors : Jacques Gabel)
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LégendeFigure 15. La cage de scène est replacée, en transparence, afin de montrer ce que l’on voit de la salle en comparaison avec ce qui est en attente de jeu dans les cintres et coulisses.
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LégendeFigure 16. La tournette de Falstaff (décors :Christian Fenouillat)
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LégendeFigure 17. Autre point de vue
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LégendeFigure 18-exemple de conduite
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LégendeFigure 19-description sémantique de la géométrie 3D
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LégendeFigure 20-extrait du tableau descriptif
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LégendeFigure 21-géométrie attachée la base de données
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LégendeFigure 22-la conduite attachée à un diagramme de Gantt intégrant la temporalité
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LégendeFigure 23. La marche, découpage régulier selon E.-J. Marey
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LégendeFigure 24. La marche et ses phases selon Richard Williams
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LégendeFigure 25. Temps continu – temps discret
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LégendeFigure 26. Tableau, vision du public
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LégendeFigure 27. Tableau, vue de travail
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LégendeFigure 28. Implantation d’un même tableau en trois lieux
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LégendeGrand T
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LégendeMassy
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LégendeLe Quai
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LégendeFigure 31. Les points d’accroches des pendrillons
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LégendeFigure 32. Friedrich Albert Zorn, La Cachucha
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POUR CITER CET ARTICLE

Référence électronique

Laurent Lescop, Bruno Suner, Régis Vasseur et Marcel Freydefont, « Scénographia – cage de scène virtuelle », Agôn [En ligne], 3 | 2010, mis en ligne le 10 janvier 2011, consulté le 27 septembre 2021. URL : http://journals.openedition.org/agon/1467 ; DOI : https://doi.org/10.4000/agon.1467Haut de page

AUTEURS

Laurent Lescop

Bruno Suner

Régis Vasseur

Marcel Freydefont

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DROITS D’AUTEUR

Association Agôn et les auteurs des articles

Le projet ScénographIA

SCENOGRAPHIA

Un inventaire des moteurs et ateliers de jeux a été entrepris afin d’évaluer les possibilités d’application à l’architecture pour la création de visites interactives et constituer un pendant de la maquette d’un plateau de théâtre du XVIIIème siècle possédée par le Département Scénographie.

La question scénographique qui se pose à chaque production ou diffusion est celle du dénominateur commun entre les cages de scène et, plus largement, avec les salles pressenties pour une tournée. Il s’agit alors de concevoir et de mettre au point une cage de scène virtuelle permettant de prévoir et d’anticiper de façon cinétique la plantation des dispositifs, décors, éléments de mobilier, accessoires, costumes, lumières relatifs à la représentation d’une œuvre lyrique.

Cet investigation a conduit à répondre avec succès fin 2008 à un appel à projets de recherche émis par la Région Pays de la Loire sous l’intitulé DESIGN’IN / PAYS DE LA LOIRE et présenter un projet nommé : «SCENOGRAPHIA : Design d’outils interactifs pour la représentation et la manipulation virtuelle de scénographies ». Cette recherche appliquée réunit outre le GERSA, ANGERS NANTES OPERA et CEDREO INTERACTIVE, une entreprise de développement informatique pour le temps réel.

L’outil développé et les partenariats mis en place dans le cadre de ce projet, visent à créer une dynamique tant industrielle qu’institutionnelle autour de la scénographie comme discipline motrice placée à la convergence du design d’espace, de l’architecture et du théâtre. La recherche bénéficie d’un terrain expérimental d’excellence, puisqu’il s’agit de « Angers Nantes Opéra » qui présente ses opéras en création dans quatre salles : le Théâtre Graslin et la Cité des Congrès à Nantes, le Grand Théâtre et le Théâtre du Quai à Angers. De plus, ANO coopère avec l’Opéra de Rennes et diffuse ses productions dans d’autres salles en France (Le Mans, Dijon, Nancy, Marseille, Lille, Orléans, Montpellier, Douai, Besançon, Valence, Poitiers).

Le cœur du projet ScénographIA est de faciliter la production et la diffusion de spectacles d’opéra dans des théâtres différents en assurant une qualité identique de l’œuvre présentée. Il s’agit concrètement de définir et de proposer une méthodologie générale et des outils informatiques et numériques d’assistance à la conception et à l’étude technique, notamment pour ce qui concerne la spatialisation des projets de spectacle.

Le projet Scénographia se place dans la continuité des habituelles maquettes de cage de scène qui permettent la présentation et le rendu de maquettes de décor.  Il s’agit de réaliser des cages de scène virtuelles, permettant d’intégrer l’image numérisée d’une maquette volume de décor, afin de procéder à des manipulations et des vérifications tant pour ce qui concerne le gabarit scénographique tridimensionnel de la cage de scène, que pour ce qui concerne l’équipement scénotechnique, dans une démarche statique et cinétique, sans omettre les problématiques de transport, de stockage en amont et aval de la représentation.

Le procédé à l’étude comprend trois axes principaux:

  1. L’acquisition des données géométriques et physiques du lieu
  2. La numérisation des éléments de décor
  3. L’exploitation de la conduite du spectacle comme élément structurant de l’ensemble.

Le projet ScénographIA a permis de constituer une véritable expertise dans la maitrise des relevés numériques, la recherche a de plus ouvert un important champ d’investigation dans l’enregistrement et le référencement des pratiques des artistes et techniciens du spectacle. Ces connaissances sont réinvesties dans les enseignements de l’ENSAN et dans des formations, organisées par le Pôle Atlantique, URCAUE, destinées aux techniciens du spectacle.

http://agon.ens-lyon.fr/index.php?id=1467

Partenaires impliqués : ENSAN-GERSA, Angers Nantes Opéra, Région Pays de la Loire, REDITEC, entreprise CEDREO, entreprise Leica.