Gavrinis, une approche multiscalaire

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A multiscale approach: the workflow committed on the Gavrinis island cairn gathers archaeologists and archaeometrists, architects and surveyors, to acquire, handle and share information relative to a passage-tomb built at the beginning of the IVth millennium, one of the most famous of the European monumental heritage.

by S. Cassen, L. Lescop, V. Grimaud, G. Querré, B. Sune

Une approche multiscalaire du monument néolithique
de Gavrinis (Larmor-Baden, Morbihan).
Campagne d’acquisition 2011

S. Cassen [1], L. Lescop [2], V. Grimaud [3], G. Querré [4], B. Suner [5]

Le programme engagé sur le cairn de l’île de Gavrinis réunit des archéologues et des archéomètres, des architectes et des géomètres, pour acquérir, traiter et restituer des informations relatives à une tombe à couloir édifiée au début du IVe millénaire, une des plus fameuses du patrimoine monumental européen.

Gavrinis: cairn, éboulis et partie restaurée, vue frontale sud et latérale nord

Après sa fermeture (vers 3400 BCE), le monument fut évidemment reconnu par le regard des hommes, à différentes époques, mais il ne survient sur le devant de la scène savante qu’avec les explorations du XIXe siècle (en 1832 tout d’abord, puis entre 1884 et 1886 avec G. de Closmadeuc). Les contours du cairn/tumulus enveloppant le couloir et la chambre ne seront que plus tardivement restitués (dans les années 70, par le Service régional de l’archéologie de Bretagne dirigé par C.-T. Le Roux), et démontreront une structuration interne et externe au moyen de murs et parements successifs, plus ou moins concentriques. Ces fouilles prolongées par des restaurations ont elles-mêmes permis la découverte d’éléments architectoniques majeurs et de nouvelles gravures spectaculaires, mais à ce jour inaccessibles au public (dos des dalles de la chambre, face supérieure de la dalle de couverture), et publiées de façon incomplète.

L’objectif du programme est de requalifier ces représentations à partir d’une grille de lecture proposée ces dernières années, en constituant tout d’abord un nouveau corpus des tracés gravés, compris dans un contexte architectural et replacés dans le volume des supports. L’enregistrement des données topographiques, archéologiques, minéralogiques et acoustiques du tumulus et de la tombe à couloir inscrite à l’intérieur, permet d’assurer une représentation de l’architecture, d’une part, des signes gravés (éventuellement peints), d’autre part. Nous souhaitons améliorer par cette démarche le rapport constant en archéologie, et notamment dans toute étude iconographique, entre représentation et interprétation.

Gavrinis: cairn, éboulis et partie restaurée, projection latérale nord

Le relevé topographique a consisté en un enregistrement de données spatiales géoréférencées (112 millions de points), en jouant sur différentes échelles d’acquisition. Cette étape a permis de balayer le cairn dans son ensemble à l’aide d’un premier scanner type temps de vol (Leica Geosystems C10), en élargissant l’acquisition aux sols environnants ; les parois de la tombe et la face supérieure de la dalle de la couverture ont été enregistrées au moyen d’un second scanner à résolution infra millimétrique (Nikon Krypton K610). Différents logiciels traitant les nuages de points ont été testés pour retenir le meilleur outil permettant ensuite de restituer les gravures par le biais d’une tablette graphique.

Gavrinis, Orthostate L6, lasergrammétrie

Aux trois parties qui décomposent classiquement le processus de traitement des données (génération d’un maillage haute définition à partir du nuage de points ; traitement de ce maillage pour extraire les gravures en plan ; mise en évidence de la morphologie de l’orthostate) nous avons ajouté la métrologie des gravures en vue d’étudier l’altération différentielle des tracés. Notre hypothèse stipule, en effet, que plusieurs orthostates dans le couloir et la chambre sont en position de réemploi, et par conséquent ont subi une première utilisation en tant que stèles signifiantes à l’air libre. Aux prises avec le phénomène naturel de la météorisation, souvent accentué en bord de mer, les surfaces s’altèrent différemment selon leur exposition aux agents atmosphériques.

Concernant les signes gravés, un tableau comparatif des méthodes est proposé qui permet d’apprécier avantages et inconvénients des anciens procédés (estampage, calque, cellophane en polyéthylène) par rapport aux nouvelles techniques (photographie numérique, scanner 3D). S’il est incontestable que le scanner permet enfin de restituer les gravures dans le relief fidèle du support, puis dans l’ordre architectural du monument, la précision d’enregistrement des tracés en surface d’une roche grenue (granite) ne dépasse pas le degré atteint par les protocoles mis au points au LARA ces dernières années, une méthode faisant appel à la superposition de photographies numériques illuminées selon différentes incidences. Ces deux approches sont par conséquent complémentaires.

Une campagne de mesures au spectromètre à fluorescence X a ensuite permis de tester les colorations suspectes repérées dès 2009 sur plusieurs orthostates. Afin d’en évaluer l’étendue, un traitement infographique des photographies prises sur plusieurs années (1984-2011) a été produit pour comparaison (procédé DStretch).

Enfin, une approche de l’environnement sonore du site a été entreprise afin de ne pas limiter la qualification des abords aux seules données visuelles et géométriques. Ces éléments participeront de la mise en situation dans le contexte actuel des restitutions virtuelles du monument, dans l’exploitation et la communication des données auprès du public.

A partir de ces modèles numériques, on préconise la constitution d’une maquette 3D générale du monument, qui ouvre aux chercheurs d’importantes possibilités d’analyses et d’interprétation. Au-delà du travail scientifique (corpus renouvelé des signes, chronologie des tracés, entités sémiotiques, déroulé des figures, mesure de l’altération différentielle des supports, recherche régionale de formes homothétiques, validation d’hypothèses architecturales, simulations de restauration, etc.), la maquette peut être exploitée pour la communication vers le public (images, visites virtuelles, réalité augmentée, objets en résine, etc.). Une analyse iconologique préliminaire d’un signe (hache polie) a par ailleurs été proposée afin d’anticiper le scénario explicatif final.


[1] CNRS, Laboratoire de recherches archéologiques (LARA, UMR6566), Université de Nantes, 44312 Nantes ; serge.cassen@univ-nantes.fr

[2]Ecole nationale supérieure d’architecture de Nantes, Groupe d’étude et de recherche scénologique en architecture (GERSA), 6 quai François Mitterrand, 44262 Nantes ; Laurent.lescop@nantes.archi.fr

[3]Doctorant LARA et GERSA ; valentin.grimaud@univ-nantes.fr

[4]Laboratoire d’Archéosciences (UMR6566), Université de Rennes 1, 35042 ; guirec.querre@univ-rennes1.fr

[5]Ecole nationale supérieure d’architecture de Nantes, GERSA ; bruno.suner@nantes.archi.fr

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