Gavrinis la néolithique : vie privée, vie publique

Un jour, une île. Une partie de l’île du Golfe du Morbihan recèle un cairn unique au monde. Une autre appartient à un producteur et acteur de cinéma.

Un couloir de blocs géants, gravés de signaux énigmatiques.

Un couloir de blocs géants, gravés de signaux énigmatiques.

L’histoire

De la cale de Pen Lannic, le panorama est de toute beauté : Berder, Locmariaquer… Et Gavrinis. Sur la cale de Pen Lannic, la vie va. Comme la navette blanche et rouge qui va et qui vient, à longueur de journée, vers cette île mystérieuse qui recèle un chef-d’oeuvre néolithique.

En ce moment, Hervé Corlobé embarque jusqu’à deux cents personnes chaque jour. Depuis 20 ans, il assure les traversées. L’été est la période la plus chargée. « La clientèle est intéressante et intéressée. Il y a pas mal de gens du pays avec la famille et les amis. C’est un endroit magnifique, une curiosité du pays. Ça fait le même effet que les pyramides d’Égypte ! »

Chaque année, 30 000 personnes du monde entier sautent à pieds joints dans le Néolithique, après dix minutes de traversée. Dès qu’ils posent le pied sur Gavrinis, ils se dirigent vers le cairn qui daterait de 3 500 avant Jésus-Christ. « Un mamelon à l’entrée du Golfe », dit avec admiration, Yves Bélenfant, directeur de ce site protégé. Le conseil général possède un hectare que gère la Sagemor.

Son trésor est unique : un couloir de quatorze mètres de long aux parois composées de vingt-neuf blocs géants gravés de signaux aussi magnifiques qu’énigmatiques. « Ce sont des traces émouvantes. On sent la main de l’Homme. »

Une star mondiale

Quand les visiteurs débarquent sur l’île de Gavrinis, ils se dirigent vers la butte, en marchant le long d’un grillage. De l’autre côté, c’est privé. Se doutent-ils qu’ils longent la propriété d’un producteur et acteur de cinéma qui a travaillé longtemps avec Luc Besson ?

Pierre-Ange Le Pogam a acheté l’île en 2006. Un paradis de 14,50 hectares que « je connaissais enfant. Je n’avais jamais osé y mettre les pieds, l’aborder en bateau ».

L’heureux propriétaire est une star mondiale. À Gavrinis, il se rapproche de ses racines « de paysan par mon grand-père de Ploemeur, et de pêcheur. Ici, je vis au bord de l’eau et à la campagne ». Pour 3,5 millions d’euros, il a acquis cette terre et ses deux maisons de 130 et 250 m2, d’anciens corps de ferme qu’il retape. Il n’y a ni électricité, ni eau. « Je suis autonome, j’économise tout. Je respecte ce lieu. »

L’île appartenait aux descendants de la famille Voituriez qui l’avait acquise dans les années cinquante. Le conseil général souhaitait l’acheter « mais cela n’a pas pu se faire », se rappelle Yves Bélenfant. « Longtemps, personne n’en a voulu ».

L’île de la création

« Je suis très fier qu’il y ait ce cairn, confie Pierre-Ange Le Pogam. On sent les pierres, les traces que l’Homme a laissées. » En ce troisième millénaire, son domaine est l’île de la création, « j’y invite mes amis qui peuvent créer et exposer leurs oeuvres ». Le propriétaire n’est pas le moins du monde gêné par ces 30 000 personnes qui débarquent chaque année, « c’est normal que ça se visite ».

Aucune nouvelle campagne de fouille n’a été menée à Gavrinis dont « on sait peu de choses en définitive », dit Yves Bélenfant. D’ailleurs, la très récente numérisation des blocs géants gravés de signaux n’a pas encore livré toutes ses conclusions. « On se tourne vers une nouvelle interprétation de certains signaux », livre Serge Cassen, un des archéologues qui a participé à la numérisation.

Mais qu’y a-t-il donc sous les dalles de l’allée, sous le tertre, derrière les blocs de granit de l’allée ? On ne sait pas. On ne sait pas non plus si d’autres trésors dorment ailleurs sur l’île. Pierre-Ange Le Pogam imagine qu’« on le saurait depuis longtemps s’il y avait des traces. Il y a eu des travaux, des chantiers, des champs » Impossible désormais de mener des recherches dans cette propriété privée.

« Quelque chose d’énorme »

Le classement de Gavrinis au patrimoine mondial de l’Unesco est un serpent de mer. Dont on ne parle plus trop.

Pourtant Yves Bélenfant pressent que « quelque chose d’énorme s’est passé ici, à l’entrée du Golfe. Ce petit espace a concentré les deux tiers des richesses d’un territoire plus grand que la France. On en a des traces, des objets. Mais quoi ? » Quelque chose qui pourrait être en lien avec les alignements de Carnac, de Locmariaquer… « C’est tout un ensemble qu’il faudrait étudier. »

Isabelle JOHANCIK.  Ouest-France  

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Pierre-Ange Le Pogam, le propriétairede la partie privée de Gavrinis.

Pierre-Ange Le Pogam, le propriétairede la partie privée de Gavrinis.

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